La Californie n’est décidément pas un État américain comme les autres : tandis que la morgue yankee continue de pisser allègrement sur l’écologie, ses protocoles et ses sommets, le « Golden State » poursuit sa lente mutation verte et sanitaire à coups de coercitives réglementations qui défrisent les lobbys les plus puissants. Dernière victime : Coca-Cola.
Le 4-MEI ou (4-méthylimidazole), kesako ? Il s’agit d’un composé chimique qui se forme lors du chauffage à haute température de certains aliments contenant du sucre, plus particulièrement quand le procédé de fabrication inclus de l’ammoniaque ou l’un de ses dérivés. C’est fort logiquement qu’on en trouve à bonne dose dans les colorants caramel utilisés par l’industrie agro-alimentaire et donc dans le Coca-Cola. Manque de chance, ce produit est considéré comme cancérigène depuis des décennies, même si les études sur le sujet s’amusent régulièrement à se contredire. Qu’à cela ne tienne, toujours à la pointe quand il s’agit d’user du principe de précaution, la Californie a décidé en 2011 d’inscrire la substance sur la liste des produits cancérigènes, obligeant les sociétés Coca et Pepsi à en réduire la contenance dans leurs sodas respectifs vendus sur le sol américain. En effet la norme californienne de tolérance au 4-MEI est, comme de plus en plus souvent, bien plus sévère que celle appliquée par les autres pays et particulièrement par ceux de la communauté européenne, cette jolie capitale du lobbying mondialisé. Un changement de recette dans le Coca-Cola ? Pas si fréquent, même si dans un premier temps, on l’a vu, cette modification est restée cantonnée au territoire américain. Oui, mais voilà, la firme d’Atlanta, à nouveau épinglée en 2012 par une association de consommateurs, le CSPI (Center for Science in the Public Interest) a dû revoir une deuxième fois ses plans et vient d’annoncer qu’elle allait changer pour de bon la manière dont elle produit son colorant, et cette fois-ci pour le monde entier.
La Californie contre Obama et ses lobbyistes
Cet exemple parmi d’autres, témoigne du fait qu’une véritable volonté politique alliée à une forte vigilance citoyenne, permet tout à fait de contrer les lobbys industriels les plus puissants et d’infléchir en profondeur les législations sanitaires et écologiques. Une bonne nouvelle en ces heures où l’écologie, considérée depuis 30 ans comme une variable d’ajustement des politiques libérales, a totalement disparu du radar politique en France et en Europe, balayée par le prétexte d’une crise dont elle est pourtant peut-être en partie la solution.
Il faut dire que la Californie n’en est pas à son coup d’essai. Sous les coups de boutoir successifs de Schwarzenegger, qui sous son étiquette républicaine a plus fait pour la cause verte que tous les histrions d’Europe Écologie réunis, de l’actuel gouverneur Jerry Brown, déjà aux manettes de 1975 à 1983 et pionnier de l’écologie californienne, et de la sénatrice Barbara Boxer, l’État de l’ouest américain est devenu une sorte de modèle du « green power ». Ça ne l’empêche pourtant pas d’avoir rejeté, en novembre dernier, l’étiquetage des OGM à l’occasion d’un référendum biaisé par la collusion entre l’administration Obama et les titans de l’industrie chimique et agro-alimentaire, comme en témoigne la nomination de Michael Taylor, ancien vice-président pour les politiques publiques de Monsanto au poste stratégique de commissaire adjoint de la Food and Drug Administration (FDA). Pour le reste, en dépit donc de l’hostilité d’une administration fédérale gangrenée par les lobbys, la Californie a été le premier État américain à imposer l’essence sans plomb et les pots catalytiques (avec beaucoup de retard sur l’Europe cette fois), à mettre l’État en conformité avec les recommandations du Protocole de Kyoto sur les gaz à effet de serre, et à attaquer directement les constructeur automobiles pour leur rôle dans la pollution atmosphérique. Mieux, l’écologie comme les bons réflexes sanitaires sont désormais intégrés au Code de l’éducation local et enseignés dès le plus jeune âge. Quant à la culture bio, elle a bel et bien trouvé sa terre promise sur les bords du Pacifique.
Power to the people
Cette réalité, qui suppose forcément ses zones d’ombres et ne s’inscrit hélas jamais dans une quelconque remise en cause du libéralisme, profite évidemment d’un contexte particulier dans un État qui a toujours été, mouvement hippie oblige, à la pointe d’un combat citoyen qui s’est depuis affirmé comme un élément de la culture locale et, via Hollywood et ses stars bien-pensantes, prescripteur de comportements « humanistes ». Il n’empêche, ironie à part, l’exemple californien montre à quel point, à l’heure du « tous pourris » et du « désabus de pouvoir », les réponses à nombre de questions politiques reposent encore entre les mains du peuple, et bien au-delà des périodes électorales, pour peu que la lobotomie médiatique n’ait pas achevé son œuvre destructrice de véritable sentiment de révolte et non de simple indignation pré-formatée.