D’abord, elle est belle. Elle a les yeux brûlants, les cheveux courts et noir, un sourire intelligent. Charmeuse, Marcela. Argentine, aussi. Elle devient avocat (pas avocate, hein, avocat) à 21 ans, comme papa. En 1989, elle arrive à Paris et se spécialise dans la bioéthique. Après une thèse de doctorat à l’EHESS, elle devient chercheuse au CNRS.
Dans les années 2000, Marcela Iacub se fait remarquer grâce à des livres défendant des positions pour le moins anticonformistes. Dans Le crime était presque sexuel, elle devance l’actualité récente, attaquant le rétrécissement de la notion de consentement. Sur les plateaux, elle fait entendre une petite musique libertaire à laquelle nos oreilles s’étaient déshabituées. En prenant des exemples juridiques précis, apparemment anodins, elle démonte la logique profonde à l’œuvre de notre époque, et la façon dont, sous couvert de progrès, la loi s’ingère de plus en plus avant dans les questions de mœurs.
Féministe contre féministes
Sa bête noire, pour notre plus grand bonheur, le féminisme français, qu’elle juge moralisateur et réactionnaire, car poussant les institutions à une extension toujours plus grande de la répression pénale du sexe. Transgressive, elle s’attaque au veau d’or des vaches sacrées: la soi-disant libération sexuelle des 70′s n’aurait été qu’un leurre, et non une véritable émancipation. Des blasphèmes qui lui valent d’être haïe par les féministes de strictes obédiences, prêtresses du casse-noisettes et chiennes de garde à la dent frustrée. Hélas pour ses détractrices, difficile d’agiter le spectre de la réaction face à la belle Marcela : elle défend le droit à la prostitution, le mariage et l’adoption pour les homosexuels, et les méthodes de procréation artificielle. Que l’on approuve ou pas ses engagements, on ne peut qu’admirer son courage et apprécier l’intelligence de ses raisonnements.
De la tâche sur la ménagère aux tâches ménagères
Dans son dernier livre, Une société de violeurs, elle démonte le processus de manipulation mis en place par les associations féministes à partir de l’affaire DSK. En effet, on peut n’avoir aucune sympathie (euphémisme) pour Dominique, le récuser tout entier, lui, son œuvre, son cul, et s’indigner contre l’instrumentalisation de ses comportements (quels qu’ils furent). Car l’affaire avançant, on commençait à se sentir tous coupables, nous les mâles. Sur les plateaux, on ne dénonçait plus l’homme, mais les hommes, avec un grand S à la fin. On ne parlait plus seulement de viol, mais de domination sexuelle en général, et de tâches ménagères en particulier. “Qui ne passe pas l’aspirateur, est un violeur potentiel!”.
Alors quel bonheur de lire la belle Marcela et ses exemples cocasses: une affaire de viol, dans laquelle l’amour (!) a été retenu comme trouble du consentement… Avant tout, il faut lire Marcela Iacub parce qu’elle est libre. De son athéisme, elle dit “Plus on est athée, à mon sens, et plus on est moraliste”, voilà qui résume sans doute sa pensée. Sur les relations hommes/femmes elle dirait peut-être, “Plus on est féministe, plus on aime les hommes”.
Enfin, pour avoir un avant-goût de l’ordre moral qui vient, rendez-vous au Vatican de la connerie : la critique des Inrocks de son dernier bouquin.
Bibliographie de Marcela :
- Juger la vie (avec Pierre Jouannet), La Découverte, 2001
- Le crime était presque sexuel et autres essais de casuistique juridique, Flammarion, 2002
- Penser les droits de la naissance, PUF, 2002
- Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle ?, Flammarion, 2002
- L’Empire du ventre : Pour une autre histoire de la maternité, Fayard, 2004
- Antimanuel d’éducation sexuelle (avec Patrice Maniglier), Bréal, 2005
- Bêtes et victimes et autres chroniques de libération, Stock, 2005
- Aimer tue, Stock, 2005
- Une journée dans la vie de Lionel Jospin, Fayard, 2006.
- Par le trou de la serrure. Une histoire de la pudeur publique, XIX-XXIe siècle, Fayard, 2008.
- De la pornographie en Amérique, Fayard, 2010.
- Confessions d’une mangeuse de viande, Fayard, 2011.
- Une société de Violeurs?, Fayard, 2012