Le cinéaste, reconnu pour ses films adaptés de romans, a obtenu deux prix César, en 1979 et 1986. Il est à la fois réalisateur et scénariste. Ces distinctions ont marqué sa carrière et témoignent de son immense talent.
Le cinéaste Michel Deville, qui a mis en scène Brigitte Bardot, Catherine Deneuve ou Michel Piccoli, s’est éteint le 16 février à l’âge de 91 ans et a été inhumé lundi 20 février, a annoncé son épouse et collaboratrice, Rosalinde Deville, à l’AFP. « Nous ne l’annonçons seulement aujourd’hui car nous avons souhaité nous recueillir dans l’intimité familiale et Michel détestait les cérémonies…« , a-t-elle précisé à l’AFP. Il est décédé « de vieillesse » selon elle et « au cimetière de Boulogne-Billancourt, sa ville« .
Un cinéaste sensible et minutieux
Le réalisateur, qui avait à son actif une trentaine de longs-métrages, a reçu deux César pour Le Dossier 51 (1979, meilleur scénario) et pour Péril en la demeure (1986, meilleur réalisateur) et également obtenu deux fois le prix Louis-Delluc (considéré comme le Goncourt du cinéma) pour Benjamin ou les mémoires d’un puceau (1967) et La Lectrice (1988).
« Tous mes films, les comédies comme d’autres plus sérieux, voire graves, ont été pour moi des jeux, avec des règles« , disait-il, homme au visage osseux et au regard bleu acier qui aimait par-dessus tout traiter des êtres humains face à leurs instincts. Il a fait jouer des acteurs de la trempe de Michel Piccoli, Jacques Dutronc ou Jean-Louis Trintignant, mais prétendait ne pas aimer « la compagnie des hommes« . En revanche, il a dirigé des actrices telles que Catherine Deneuve, Brigitte Bardot, Romy Schneider, Jeanne Moreau, Françoise Fabian, Fanny Ardant, Mathilda May, Marina Vlady, Marlène Jobert ou Miou-Miou. Michel Deville était un cinéaste minutieux, doué pour mettre en images « un instant, une phrase, un beau paysage, un beau visage« . « Il ne me suffit pas de les voir, j’ai besoin de les retenir. Je les consigne dans mes carnets« , avait-il expliqué.
Artiste inclassable
Michel Deville est né le 13 avril 1931 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Ses parents avaient des amis voisins dont l’appartement donnait sur le toit d’un cinéma. Grâce à une passerelle, le garçonnet se rendait souvent à la cabine de projection. Ainsi, commence sa vocation. Il passe une dizaine d’années à apprendre le métier auprès notamment de son mentor, Henri Decoin. Puis, il tourne son premier film Ce soir ou jamais, une comédie dramatique. Il sera suivi de comédies, comme Adorable menteuse (1962) ou A cause, à cause d’une femme. Il connaît ensuite le succès avec Benjamin…, interprété par Michèle Morgan, Michel Piccoli et Pierre Clémenti. En 1970, il dirige Brigitte Bardot dans la comédie L’ours et la poupée.
Après Raphaël ou le Débauché (1971), Michel Deville s’ouvre à des sujets plus graves, entre intrigues policières et huis clos intimistes, sensuels, sur fond parfois de manipulations et de relations troubles entre hommes et femmes. C’est cette même année 1971 que cesse sa collaboration avec Nina Companeez, à la fois scénariste, dialoguiste et monteuse de la plupart de ses films, qui décide de devenir elle-même réalisatrice. « Nous vieillissions ensemble, c’était bien, mais nous étions toujours dans le même sillon, notre numéro était trop bien rodé« , avait-il alors dit.
A partir des années 80, c’est son épouse Rosalinde qui écrit et produit ses films : « elle écrit ce que je rêve de voir au cinéma« , disait cet artiste inclassable qui n’eut pas d’enfant. Il a ensuite réalisé des films comme Péril en la demeure (1985), Le Paltoquet (1986) ou La maladie de Sachs, adapté de Martin Winckler. Il avait adapté Feydeau pour son dernier film Un fil à la patte en 2005, avec Emmanuelle Béart et Charles Berling.
De nombreuses adaptations littéraires
La quasi-totalité de ses films sont tirés d’œuvres littéraires, comme La lectrice, adapté du roman de Raymond Jean, Le Dossier 51, d’après le livre de Gilles Perrault ou La maladie de Sachs, adapté du roman de Martin Winckler.
Il pratiquait également la poésie, son « délassement« , publiant plusieurs recueils, fantaisistes et irrévérents, proches de l’esprit d’un Prévert ou d’un Queneau. Ainsi ce poème : « Dans l’aube hallucinée/ D’un jardin vague et mal fané/ Se lamentait un jardinier (…)/ Les pieds enfouis dans le terreau en place et lieu de deux poireaux (…)/ Navrant ratage, atrocité/ Le jardinier s’était planté« .