Le ministre de l’Economie a admis que les calculs de profitabilité effectués pour les actionnaires lors de la privatisation des autoroutes en 2006 n’ont pas été satisfaisants. Cette prise de conscience survient dans un contexte où l’Etat considère une possible nationalisation des autoroutes alors que les concessionnaires autoroutiers accusent des dettes considérables. Après de longues années de bénéfices, les actionnaires n’ont pu maintenir une rentabilité suffisante pour rembourser leurs dettes et assumer les travaux d’entretien des autoroutes. Ainsi, cette remise en question ouvre une fenêtre pour une possible intervention de l’Etat qui pourrait prendre en charge la gestion des autoroutes et les investissements nécessaires pour leur rénovation.
Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, a fait une demande peu ordinaire auprès du Conseil d’Etat, celle de raccourcir de quelques années la durée des concessions des sociétés d’autoroute, qui ont généré des bénéfices plus importants que prévus. Lors d’une audience devant les commissions des Finances et du Développement durable de l’Assemblée nationale, Bruno Le Maire a admis que les calculs effectués durant la privatisation des autoroutes en 2006 n’étaient pas exacts. Il a expliqué que les sociétés concessionnaires telles que Vinci, Eiffage et Abertis avaient pu rembourser leur emprunt à moindre coût grâce à la forte baisse des taux d’intérêt, ce qui avait augmenté leur rentabilité, tandis que les tarifs des péages continuaient d’augmenter régulièrement en vertu des contrats conclus avec l’Etat. Bruno Le Maire a cependant souligné que la remontée actuelle des taux d’intérêt pourrait obliger à refaire les calculs.
Selon lui, le rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) de février 2021, qui mettait en évidence les bénéfices d’ASF-Escota (Vinci) et d’AREE-Area (Eiffage), devait être publié mercredi soir, après avoir été récemment retrouvé par Le Canard enchaîné. Le rapport évoque même la possibilité de réduire les tarifs des péages de ces sociétés de près de 60% afin de réaligner leur rentabilité avec ce qui avait été prévu en 2006.
Toutefois, les auteurs du rapport estiment qu’il n’est « légalement envisageable » de raccourcir que la durée des concessions. Selon eux, cela impliquerait une forte volonté politique et détériorerait les relations entre l’Etat et les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA). Le rapport recommande une fin anticipée des concessions au 30 avril 2026 pour ASF et Escota, soit un raccourcissement respectif de dix ans et cinq ans et demi, et au 30 septembre 2026 pour APRR et Area, soit un raccourcissement de neuf et dix ans. Le rapport précise que l’Etat risque que le juge considère la rentabilité des concessions comme raisonnable et leur résiliation anticipée comme entraînant un droit à indemnité.
C’est pourquoi le Conseil d’Etat a été sollicité pour trouver une solution à ce problème. De plus, le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, a déclaré que les experts juridiques devraient étudier l’ensemble des options fiscales, car le gouvernement envisage de faire contribuer les sociétés autoroutières pour financer l’effort annoncé sur le rail.