De nos jours, les citoyens s’opposent vigoureusement à la réforme des pensions et à l’utilisation du 49.3, mais cela semble ne pas affecter la position de l’exécutif. Cependant, l’histoire de la Ve République nous a montré qu’il y a eu des réformes qui ont été révisées ou annulées à la suite de manifestations importantes dans la rue. Il y a également des réformes qui ont été maintenues malgré les protestations. En fin de compte, il n’y a pas de garantie quant à la manière dont tout cela va se jouer et il faudra attendre pour savoir si une telle mobilisation aura un impact quelconque sur l’avenir de la réforme.
La Première ministre Elisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement, en utilisant l’article 49.3, pour faire passer le projet de réforme des retraites sans le vote des députés. Cette situation est loin d’être inédite, car elle a rappelé plusieurs grandes réformes de la Ve République et suscite la contestation. Les différents gouvernements ont maintenu leurs positions face à la mobilisation dans le passé ou ont reculé devant la colère de la rue.
En 1994, le gouvernement Balladur a adopté le CIP (contrat d’insertion professionnelle) pour lutter contre le fort taux de chômage de la population active, atteignant 10%, en créant des contrats à durée déterminée pour les moins de 26 ans et ceux avec un niveau d’études inférieur à bac+3. Le CIP a connu une vive contestation de la rue pour des questions de rémunération et de formation qui ont conduit à son retrait le 30 mars 1994, malgré la motion de censure déposée qui n’a obtenu que 87 voix. Le gouvernement Balladur a remplacé le CIP par une aide de 1 000 francs par mois aux entreprises qui embauchent pour une durée minimale d’un an et demi les jeunes de moins de 26 ans.
En 1995, les grèves de trois semaines ont paralysé le pays après la présentation par Alain Juppé, Premier ministre, d’un projet très impopulaire de réforme de la Sécurité sociale et du régime de retraite, qui a été à l’origine de la création de nombreux mouvements de grève importants. La motion de censure, déposée contre le plan de réforme de la Sécurité sociale, a été rejetée avec 87 voix contre les 284 nécessaires. Le 12 décembre, environ un million de personnes manifestent contre l’annonce d’Alain Juppé, qui retire finalement son plan des retraites trois jours plus tard pour faire face à l’opposition massive.
En 2006, le gouvernement Villepin a adopté le contrat de premier embauche (CPE) par le biais de l’article 49.3, qui a été à l’origine de manifestations massives de la jeunesse et des syndicats pendant trois mois. La mobilisation de la rue a finalement poussé Dominique De Villepin à annuler le CPE, même si une motion de censure a été déposée contre l’utilisation de l’article 49.3. Le gouvernement a remplacé le CPE par des mesures d’aide à l’insertion pour les jeunes en difficulté.
En 2016, la loi Travail de Myriam El Khomri présentée sous la présidence de François Hollande, a été très contestée dans la rue et a été votée après trois passages par la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale grâce à l’article 49.3. Malgré de nombreuses manifestations et une motion de censure, la loi a été promulguée le 8 août 2016.
En 2020, la réforme des retraites a également été suspendue en raison de la pandémie de Covid-19, malgré des manifestations massives en décembre 2019. La grève des transports a également duré pendant les fêtes de fin d’année, ce qui a contribué à pourquoi la mobilisation est devenue si importante. En dépit de l’utilisation de l’article 49.3 et de deux motions de censure, le projet a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 29 février 2020. Le confinement conduit le gouvernement à suspendre la réforme, mais en 2023, il propose de décaler l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.