L’agence française de sécurité alimentaire a déclaré qu’un tiers des échantillons prélevés contenaient des sous-produits du pesticide interdit chlorothalonil. Paris et l’ouest de la France parmi les zones touchées
Un tiers des échantillons d’eau du robinet prélevés en France étaient contaminés par des traces d’un pesticide interdit, selon un nouveau rapport.
Le étude a révélé qu’un échantillon sur trois prélevé présentait des niveaux élevés de métabolites du chlorothalonil, un pesticide interdit en Europe depuis 2019.
Avant son interdiction, le pesticide (également connu sous le nom de R471811) était utilisé depuis 1970 et vendu par la société agrochimique Syngenta. Les craintes concernant la contamination de l’eau du robinet ont commencé à croître parmi les gestionnaires des services d’eau il y a plusieurs mois.
L’étude – réalisée par l’Anses, l’agence française de sécurité sanitaire des aliments – a vu des échantillons prélevés dans les eaux de surface et souterraines.
Le métabolite n’a pas pu être «vu» jusqu’à récemment, car les laboratoires chargés de cette tâche viennent tout juste de pouvoir le tester.
En janvier 2022, l’Anses a classé le R471811 comme « pertinent » (c’est-à-dire « potentiellement problématique »).
Les métabolites du pesticide, sous-produits de sa dégradation, doivent donc respecter les mêmes seuils réglementaires que sa « molécule mère ».
Ceci est considéré comme un cancérogène probable par les autorités sanitaires européennes et a causé des tumeurs du foie lors d’expériences sur des souris de laboratoire.
Rien n’indique que les niveaux de métabolites dans l’eau en France pourraient être dangereux, mais les résultats montrent des niveaux supérieurs au seuil bas acceptable.
L’Anses suggère qu’environ 34% de l’eau en France pourrait être non conforme à la réglementation, bien que ce chiffre ne soit qu’une estimation basée sur des échantillons de l’agence. Le pesticide n’est pas encore testé en standard par les agences régionales de santé, il n’est donc pas facile de déterminer les niveaux exacts.
Un responsable d’un grand opérateur public, qui a souhaité rester anonyme, dit Le Monde: « Je suis convaincu que plus de la moitié de la population française est concernée. »
Paris fait partie des quartiers les plus touchés
Le rapport montre également que les zones très peuplées sont les plus touchées, notamment Paris et ses environs.
Le Syndicat régional de l’eau Le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif), qui approvisionne quatre millions de personnes, a confirmé qu’environ trois millions d’entre elles reçoivent une eau dont le taux de R471811 est quatre à cinq fois supérieur à ce que la réglementation autorise.
Sylvie Thibert, responsable des risques au Sedif, a déclaré : « Les eaux de surface, qui constituent 97 % de nos ressources, de la Seine, de la Marne et de l’Oise, sont toutes contaminées. Sur nos trois usines de production, celle de Méry-sur-Oise dispose de deux lignes de traitement, l’une conventionnelle, l’autre à membranes.
« Seul ce dernier nous permet de ramener l’eau que nous fournissons en qualité réglementaire. »
L’ouest de la France est également touché.
Mickaël Derangeon, vice-président du service public de l’eau de Loire-Atlantique Atlantic’Eau, a déclaré : « Nous étudions cette molécule depuis janvier et nous la retrouvons un peu partout. »
Résoudre le problème
L’Anses a déclaré que l’eau du robinet en France n’a jamais dépassé le seuil « fixe » de trois microgrammes par litre (ce qui signifierait qu’elle ne serait plus considérée comme potable), et qu’il n’y a pas de restrictions requises aux niveaux actuels.
Cependant, les niveaux actuels ne sont légalement pas autorisés à rester plus de trois ans (renouvelables une fois). Après six ans, les fournisseurs sont tenus de ramener l’eau à des niveaux acceptables pour lui permettre de rester potable pour les clients.
M. Derangeon a toutefois déclaré: « Le chlorothalonil étant utilisé depuis 50 ans, il semble à peu près certain que les gens boivent de l’eau non conforme à la réglementation depuis un certain temps. »
Le pesticide est interdit en France depuis 2019. Malheureusement, en Suisse, où les mêmes métabolites ont été trouvés en 2010, la suspension de l’utilisation du pesticide pendant plusieurs années n’a pas réduit les niveaux trouvés dans l’eau, a déclaré le responsable des eaux de Lausanne, Pierre- Antoine Hildbrand.
Des études suisses ont même trouvé que les métabolites pouvaient être présents dans l’eau en bouteille, y compris Evian. On estime qu’environ 8% des Suisses (700 000 personnes) reçoivent de l’eau du robinet non conforme, selon une étude des autorités sanitaires suisses.
La Suisse a été le premier pays à alerter les autorités européennes sur la possible présence de la molécule dans les Etats membres, dont la France.
Surveillance renforcée en France
En France, la Direction générale de la santé (DGS) a tenu à rassurer les consommateurs en précisant que son « programme de bilan de santé intégrera progressivement, à partir de 2023, le chlorothalonil et ses métabolites, en accord avec la montée en puissance de nos laboratoires. [to test it]”.
La Première ministre Elisabeth Borne a été mise au courant de la situation, indique Le Monde. Cependant, l’annonce récente d’Emmanuel Macron de son « plan eau », qui visait à apporter des solutions à l’eau face à l’aggravation de la sécheresse, n’a pas fait mention des pesticides.
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a également annoncé récemment que l’utilisation du S-métolachlore, un autre pesticide présent dans de nombreuses eaux souterraines à travers la France, serait autorisée à se poursuivre.