« Ici les députés ont siégé et voté librement le budget de la Nation jusqu’à la mise sous tutelle de la Commission européenne de Bruxelles ». La pancarte, une imitation cartonnée d’une plaque commémorative, sur laquelle est inscrite l’épitaphe, décore encore le bureau de Nicolas Dupont-Aignan à l’Assemblée nationale. Une semaine avant la ratification du Traité budgétaire européen, le député-maire, accompagné par une dizaine de souverainistes, avait inauguré devant les grilles du Palais-Bourbon cette fausse plaque destinée aux générations futures. Entretien avec un Don Quichotte qui continue de se battre contre des moulins à vent.
Pas de surprise, le Traité budgétaire européen a été voté à l’Assemblée. En quoi est-ce une catastrophe pour la France ?
Les représentants du peuple ont abandonné l’acte principal du Parlement qui est le vote du budget à une commission non élue à Bruxelles. C’est un recul démocratique sans précédant car on transfère le pouvoir à des incompétents qui précipitent le continent dans la ruine économique. Non seulement on abandonne notre pouvoir, mais on le fait au profit de gens non élus qui font une mauvaise politique. Ça fait beaucoup.
La France peut-elle se retrouver dans la même situation que l’Espagne ou la Grèce dans les prochains mois ?
Oui et non. Oui, dans le même enchaînement déflationniste ; non, car heureusement nous avons une plus grande force économique que ces pays. Mais à force de l’épuiser par une monnaie trop chère, un libre-échange déloyal et des charges trop élevées, il y a un moment où la machine va casser. Nous sommes sur une pente extrêmement dangereuse.
« Comment des parlementaires élus peuvent-ils abandonner le pouvoir du peuple ? »
D’un point de vue symbolique, peut-on faire un rapprochement entre le vote donnant le plein pouvoir à Pétain et le vote du traité ?
Oui, je l’ai fait hier. Ce n’est pas le même degré d’abandon, mais la démission est de même nature. Il y a même moins d’excuses, puisqu’il n’y a pas de chars place de la Concorde. C’est encore plus inconcevable. Comment des parlementaires élus peuvent-ils abandonner le pouvoir du peuple ? C’est L’Étrange défaite dont parlait Marc Bloch.
Vous soutenez l’idée d’une annulation partielle de la dette…
Oui. Depuis la loi de 1973 (loi Pompidou/Giscard, NDLR) et surtout depuis la création de l’euro, la France se fait racketter par les intérêts financiers. Je pense que pour les grands investissements publics, nous devons emprunter à 0 % à la Banque de France. Notre budget de fonctionnement doit être en équilibre et les investissements être financés par l’emprunt à 0 %. Je ne dis pas qu’il faut financer par la Banque Centrale tous les déficits à 0 %, parce que sinon il y aurait une dérive inflationniste dangereuse. Je dis qu’il faut rétablir l’équilibre de nos finances publiques et, en même temps, financer les investissements à 0 %. Beaucoup des intérêts dus sont illégitimes ; il faudrait, comme l’Islande l’a fait, revoir une partie de notre dette.
Et en ce qui concerne la loi Pompidou/Giscard ?
C’était le premier doigt dans l’engrenage. Il faut revoir cette loi, mais elle permettait quand même un peu de monétisation : il y avait une possibilité d’avance de 20 milliards de Francs. Il faut simplement reprendre en main la politique monétaire et la mettre au service de l’État, du bien public et du long terme. Les intérêts d’emprunts sont le premier poste de dépense budgétaire de la France avec 50 milliards d’euros. Si nous commencions à refinancer notre dette à 0 %, nous descendrions à 20 milliards d’euros d’intérêts en 2017. Vous voyez, finalement, je suis le plus économe de tous : je fais trente milliards d’économies sur les intérêts d’emprunts.
« Est-ce qu’on veut être une nation de second ordre, un parc zoologique et touristique ? »
Cela permettrait de réduire le déficit et de maintenir des dépenses d‘investissement pour l’avenir car le statut de la France et la qualité de vie de nos concitoyens dépendront des conquêtes scientifiques et technologiques que nous réussirons à mettre en place dans les dix ans qui viennent. Est-ce qu’on veut être une nation de second ordre, un parc zoologique et touristique, ou est-ce qu’on veut être une nation libre au XXIe siècle ? Pour être une nation libre, il faut être capable d’inventer la voiture propre, le panneau solaire de demain, de faire des percées technologiques. Nous avons tout pour ça ; nous venons d’avoir un prix Nobel de physique (Serge Haroche, NDLR).
Vous avez lancé une campagne pour que le traité soit voté par référendum. Sans succès. Le peuple a-t-il encore le moindre pouvoir sur l’avenir de son pays en dehors de l’élection présidentielle ?
Non aucun. Et en période présidentielle, on lui réduit le choix en considérant comme négligeables ceux qu’on appelle les petits candidats. La présidentielle est une parodie de démocratie puisqu’il n’y a que deux partis qui pensent la même chose et se retrouvent au second tour. Il faut construire une force politique alternative pour, le moment venu, offrir aux Français une autre voix.
Le peuple n’est donc plus souverain puisqu’il n’est plus consulté par des représentants soumis aux ordres de Bruxelles et des marchés. Est-on encore en démocratie ?
Nous sommes dans une fausse démocratie. La démocratie d’un lander allemand.
« La nation gêne leur projet : transformer le citoyen en consommateur »
Pensez-vous qu’il existe une méfiance des élites à l’égard du peuple ?
Ce n’est pas une méfiance, c’est une peur. Les élites ont compris depuis le référendum de 2005, qu’elles étaient minoritaires dans leur propre pays. Avant 2005, elles étaient très condescendantes à notre égard (les « nonistes », NDLR), parce qu’elles pensaient être suivies par le peuple. Nous étions considérés comme des ringards. Aujourd’hui le climat s’est durci et l’objectif clair, avoué, est de ne jamais consulter le peuple et de ne jamais tenir compte de son opposition. D’ailleurs, vous remarquerez qu’à chaque fois, le même discours est tenu à droite comme à gauche. Ils disent qu’il faut faire de la pédagogie. Ils ne sont plus dans la logique de demander son avis au peuple, mais de lui bourrer le crâne. Ce n’est pas la même chose.
On a l’impression qu’il y a chez ces gens-là, la volonté de détruire les nations…
Oui, parce que la nation gêne leur projet : transformer le citoyen en consommateur.
« J’ai toujours eu une certaine idée de la France », écrit de Gaulle dans ses mémoires. Que reste-il de cette idée ?
Beaucoup de choses. La braise est sous la cendre. Je suis optimiste, malgré la situation. C’est le sens de mon combat : réveiller la braise. Le peuple est attaché à la France. Il y a de beaux vieux réflexes qui subsistent. Les Français vont commencer à se rendre compte à quel point tout ce que les autres leur ont promis est faux. Ils ont conscience que ce qui est fait ne va pas dans le bon sens ; ils ont conscience que ceux qui mènent cette politique le font dans leur propre intérêt. Mais ils n’ont pas encore conscience qu’on peut faire autrement, et qu’on peut le faire grâce au rassemblement.
C’est tout le sens de mon combat. Il faut passer à l’espoir, c’est-à-dire à une proposition alternative. Aujourd’hui, il n’y a plus besoin de critiquer le système : il est déjà mort. Seulement les Français ne croient pas possible d’emprunter une autre voie parce qu’ils ont subi un lavage de cerveau par la pensée dominante. Il faut reconnaître que certains des opposants à cette pensée dominante sont parfois caricaturaux. On n’est pas là pour être des clowns mais pour apporter une solution au pays.
Vous avez appelé au rassemblement des patriotes. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J’ai dit que les patriotes étaient divisés : les chevènementistes à gauche, Guaino à l’UMP, Lionnel Lucas à la Droite populaire, Marine Le Pen au FN, Mélenchon au Front de gauche, même s’il est encore très internationaliste. Dans cette situation, l’UMP et le PS peuvent encore gouverner des années. Il faut que chacun fasse un pas pour sortir de sa boutique. Celle qui doit faire le pas le plus important, c’est Marine Le Pen, pour abandonner ce qui n’est pas acceptable en République. C’est-à-dire de toujours voir les Français en fonction de leur origine ou de leur religion. 90 % des jeunes d’origine étrangère se sentent profondément français. On a le devoir de taper fort contre les fanatiques, ou de limiter l’immigration, mais on n’a pas le droit d’instaurer un climat de guerre civile. Il faut rassembler tous les patriotes. Si j’insiste là-dessus, c’est parce que c’est une obligation si on veut gagner
Mais le contexte est très favorable à Marine Le Pen. A-t-elle intérêt, d’un point de vue tactique, à abandonner son discours sur l’insécurité culturelle ?
Le choix qu’elle a est très simple. Bien sûr, le FN peut encore monter en cultivant ce réflexe identitaire, mais il ne pourra pas gouverner. Or, moi je préfère qu’il y ait alliance des patriotes sur une ligne républicaine irréprochable pour sauver la France. Le PC a été à 35 % des voix mais n’a jamais gouverné. Je crains que si Marine Le Pen ne sort pas de cette logique du parti, ça ne bloque encore plus le jeu politique. Il y a ceux qui disent qu’il faut se boucher le nez et la rejoindre, comme l’a fait Paul-Marie Couteaux, et ceux qui la diabolisent en permanence. Dans les deux cas, c’est une mauvaise solution. Moi j’ai choisi la voie moyenne, c’est une question de bon sens. On m’a reproché de tendre la main. Je n’ai aucun problème à le faire à partir du moment où ma main est profondément républicaine, où il n’y a aucune ambiguïté.
Maintenant on verra ce qui se passera, mais je crois que dans la vie, il y a des femmes et des hommes qui débloquent des situations historiques. En tout cas il faut essayer. Ce sera la responsabilité de Marine Le Pen d’accepter ou pas. Si elle veut gérer sa boutique et être une force protestataire qui gueule mais qui ne propose pas, elle le restera et ça sera dommage. À partir de ce moment-là, les électeurs le sauront. Si elle veut serrer la main que je lui tends, nous pouvons faire de grandes choses. Je ne sais pas ce que sera l’avenir mais mon devoir d’homme politique est de dire : les patriotes doivent se rassembler autour d’une ligne républicaine irréprochable.
Et en ce qui concerne le Front de gauche ?
Je suis en désaccord avec leur internationalisme et ils ne vont pas au bout de la logique, notamment sur la question de l’euro. Mais j’ai écouté les débats à l’Assemblée nationale et heureusement qu’il y avait les communistes et le Front de gauche pour dire la vérité. Pendant la résistance, il y avait des communistes et des membres de l’Action française. Peu importe. Moi ce que je veux, c’est qu’on sauve la maison qui brûle. Je n’ai pas envie de passer mon temps à regarder la couleur de l’uniforme des pompiers. Il faut bouger les lignes.
« C’est par la loi, l’exemplarité, la morale, l’école qu’on y arrivera »
N’est-ce pas un peu naïf de vouloir réunir des identitaires de droite et des internationalistes de gauche autour de la même table ?
Mais je revendique la naïveté dans cette affaire du rassemblement des patriotes. La situation exige de sortir des sentiers battus. Le rassemblement des patriotes ne poura se faire avec les schémas politiciens éculés depuis 20 ans Il va bien falloir sauver la France. Ce qu’on désire ce n’est pas qu’ils gouvernent ensemble, mais qu’ils rendent sa souveraineté à la France. Avant de pouvoir décider d’une politique, encore faut-il pouvoir l’exercer. La première chose à faire, c’est de se débarrasser du PS et de l’UMP qui sont en train de tuer le pays. On verra par la suite qui émergera dans cette force d’opposition.
Les sentiments identitaires semblent s’affirmer de plus en plus en période de crise. Que peut-on craindre ?
On est en train de tout faire pour que ça explose : politique déflationniste absurde qui nourrit la misère, éducation nationale d’un niveau pathétique et politique migratoire non contrôlée. On dresse les Français, notamment les plus pauvres, les uns contre les autres. Ma thèse est très claire : j’estime que l’État républicain doit être beaucoup plus ferme vis-à-vis des délinquants, des trafiquants et des fanatiques. Ce faisant, il rendra service à ceux qui sont d’origine étrangère. Pour la plupart ce sont des gens biens et souvent plus patriotes que d’autres, Français depuis plusieurs générations. Je ne vois pas en quoi M. Arnault est moins racaille que le petit trafiquant de la cité.
Je tends la main à tous ceux qui en ont marre qu’on les renvoie à leurs origines. Il faut mettre à l’écart les voyous, renvoyer dans leur pays les délinquants étrangers et les imams qui prêchent la haine, et nous arriverons très bien à intégrer, à assimiler, j’emploie le mot volontairement, une jeunesse qui a très bien compris où était son intérêt. Mais pour cela, il faut que la République croie en elle-même. Le problème c’est qu’elle a démissionné et nuit à toute cette jeunesse qui se sent rejetée.
Le vivre ensemble est-il dissociable du patriotisme ?
Non. Il ne peut pas y avoir de vivre ensemble sans un minimum de patriotisme. Mais pour qu’il y ait du patriotisme, il faut qu’il y ait des droits et des devoirs : payer ses impôts, ne pas tricher à la Caf par exemple. C’est par la loi, l’exemplarité, la morale, l’école qu’on y arrivera.
L’intégration passe par une bonne connaissance de la langue et de l’Histoire. L’école semble jouer de moins bien en moins bien son rôle…
« Les pédagogistes ont détruit l’école publique française »
Les pédagogistes ont détruit l’école publique française et continuent de le faire. Je veux le rétablissement de 15 h de Français en primaire au lieu de 9 ; la suppression de l’enseignement de langues et de cultures étrangères, car quand on vit dans une famille où l’on parle arabe à la maison, on n’a pas besoin de l’apprendre à l’école en plus ; la suppression des cours de gâteaux et autre activités à la noix qui sont méprisantes pour les enfants des cités ; l’augmentation des bourses, le rétablissement de la discipline dans les établissement scolaires et la création d’internats. Réparer l’ascenseur social, voilà ce qu’il faut faire. C’est tellement simple. Et il faut le faire par référendum. Je propose d’ailleurs un référendum sur la justice, un référendum sur l’immigration et un référendum sur l’école. C’est le référendum qui débloquera la société française.
Chavez vient d’être réélu. Quelle est votre opinion sur lui et sur le régime vénézuélien ?
C’est un pays où le peuple est souverain. Le peuple a choisi. Hugo Chavez est un homme courageux qui a défendu son peuple. Alors après, je ne suis pas au Venezuela pour juger des résultats de sa politique et je ne le mythifie pas comme le fait Mélenchon. Mais le peuple vénézuélien a tranché, et je vois que quand on s’attaque aux intérêts, on est réélu.