Au cours de son passage au Sénat mercredi, le ministre en charge de l’Intérieur s’est posé des questions concernant les sources de financement de l’organisation, en lien avec ses actions visant la gestion de l’ordre public.
Le gouvernement français cible-t-il la Ligue des droits de l’homme (LDH) ? Les propos du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lors de ses auditions devant les députés et les sénateurs le 5 avril, notamment sur le financement de l’association, ont suscité un tollé à gauche. Darmanin a remis en question les « actions » menées par la LDH lors des manifestations et les subventions accordées par l’Etat. L’association et l’opposition de gauche ont rapidement condamné ces déclarations.
Le ministre a critiqué les « actions » de la LDH lors de la manifestation à Sainte-Soline, où l’association a déployé des observateurs citoyens pour documenter le dispositif de maintien de l’ordre. Il a souligné que le tribunal de Poitiers n’avait pas reconnu le statut d’observateur à la LDH, et que l’association avait « attaqué l’arrêté de la préfète qui empêchait le transport d’armes ». En réponse à une question sur le financement de la LDH, Darmanin a admis ne pas connaître les subventions de l’Etat à l’association, mais a ajouté : « Effectivement, ça mérite d’être regardé. Mais je rappelle que beaucoup de collectivités locales les financent. »
La LDH a répondu aux critiques du ministre. Concernant l’appel à manifester à Sainte-Soline, l’association a expliqué que deux de ses sections locales avaient soutenu les rassemblements prévus les 24-26 mars avant que les interdictions de manifester n’aient été prises, et que le comité régional Poitou-Charentes avait appelé à la mobilisation sans appeler à manifester spécifiquement. En ce qui concerne le recours sur le transport d’armes, la LDH a déclaré avoir contesté la définition choisie par les arrêtés préfectoraux, qui méconnaissait la jurisprudence du Conseil constitutionnel refusant l’extension a priori de la notion d’arme à tout objet pouvant être utilisé comme projectile.
Sur la question du financement, le président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), Patrick Baudouin, a confirmé que les subventions de l’association, qui représentent environ 30 % de son budget, « peuvent venir de l’Etat ou des collectivités publiques ou territoriales ». Il a dénoncé la menace voilée du ministre de remettre en cause ces subventions, qualifiant cette attitude d' »inédite et consternante » de la part du ministre d’un pays démocratique.
L’opposition de gauche a rapidement défendu l’organisation. Le député écologiste Aurélien Taché a notamment tancé le ministre, l’accusant de franchir le Rubicon et de quitter l’espace républicain. Le secrétaire général du PS, Olivier Faure, a ajouté que cette attitude était typique des régimes autoritaires qui cherchent à faire plier les contre-pouvoirs.