Suite à 88 auditions, y compris celles de deux ex-chefs d’État, le comité d’investigation parlementaire concernant l’autonomie énergétique de la France a publié son rapport.
« Le récit qui s’est reconstitué devant nous, c’est bien le récit d’une lente dérive, d’une divagation politique, souvent inconsciente et inconséquente, qui nous a éloignés et de la transition écologique et de notre souveraineté énergétique… » Après plus de six mois de travail, la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique de la France a rendu jeudi un rapport très critique sur la politique énergétique de notre pays, dénonçant « une perte de souveraineté« . Dans leur rapport publié le 6 avril, les députés n’ont pas hésité à pointer du doigt les erreurs de la politique énergétique française au cours des trente dernières années.
En effet, la production du parc nucléaire français a baissé depuis 15 ans, sans que les gouvernements successifs ne s’en soient préoccupés jusqu’au réveil douloureux de 2022, lorsque des centrales ont dû être fermées en raison de fissures, notamment, selon les auteurs du rapport, le député LR alsacien Raphaël Schellenberger et le député Renaissance de la Haut-Savoie Antoine Armand.
Le rôle de François Hollande
Dans leur rapport, très favorable à l’énergie nucléaire, les auteurs attribuent une grande part de responsabilité à François Hollande et à son programme de fermetures de réacteurs après la catastrophe de Fukushima, décidé sans étude préalable. Selon eux, les responsables politiques de l’époque ont agi contre les intérêts vitaux de la France. Invité sur 42mag.fr, Raphaël Schellenberger a ainsi dénoncé un « manque de conscience du caractère stratégique de l’énergie, qui a conduit à ce qu’on préfère faire de la politique politicienne et peut-être même parfois de simples accords électoralistes, plutôt que de traiter ce sujet comme un enjeu stratégique pour la compétitivité et la souveraineté de notre nation« . Il a ajouté : « Ça commence avant François Hollande. On l’a vu dès la fin des années 90, lorsque le Parti socialiste a conclu un accord avec les Verts qui a conduit à l’abandon d’un certain nombre de projets de construction de nouvelles centrales nucléaires et à la fermeture du projet Superphénix, qui était pourtant un projet qui aurait projeté la France dans une innovation et dans une avance sur le monde entier. »
Les rapporteurs n’abordent cependant pas le rôle d’Emmanuel Macron, qui était alors Secrétaire général adjoint de l’Élysée et ensuite ministre de l’Économie sous François Hollande. Ils déplorent également le lancement jugé précipité de l’EPR de Flamanville, en mettant en cause des plans incomplets et une filière industrielle affaiblie par des années de manque de commandes.
« Au plus haut niveau de l’Etat, tout le monde n’est pas encore raccord »
Enfin, les rapporteurs expriment leur inquiétude pour l’avenir, en raison notamment de l’explosion de la demande en électricité et de la fragilité d’EDF et de la filière nucléaire. Le rapport présente trente propositions adoptées par les membres de la commission la semaine dernière. Raphaël Schellenberger appelle ainsi à « une prise de conscience » : « Nos travaux qui ont été très suivis par l’ensemble du milieu industriel de l’énergie et par les Français qui se demandaient pourquoi on leur demandait de mettre des cols roulés et de baisser la température de chauffage, ont permis cette prise de conscience. A présent, nous avons, avec le rapporteur, avec les membres de la commission d’enquête, la responsabilité de faire vivre ce dossier, de continuer à souligner la nécessité de s’en occuper, de mettre en place une pression politique pour que nous prenions les décisions que nous préconisons. […] J’ai bien le sentiment qu’au plus haut niveau de l’État, tout le monde n’est pas encore raccord sur la nécessité de considérer ce sujet comme absolument stratégique« , a-t-il déclaré.
Parmi les recommandations du rapport, on trouve notamment un renforcement du suivi de la construction des futurs réacteurs EPR 2 et une meilleure anticipation du passage à 50 ans du parc nucléaire actuel.