Chaque semaine, Clément Viktorovitch aborde les discussions et les défis politiques. Le dimanche 9 avril, il s’est penché sur la fonction du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel, c’est quoi? Il s’agit d’une institution composée de neuf membres, qui sont nommés pour une durée de neuf ans par trois instances: le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. La mission principale des « Sages », comme on les surnomme, est de vérifier la conformité des lois votées par le Parlement avec la Constitution française. Le problème est alors évident: neuf personnes nommées ont le pouvoir de censurer les lois votées par les représentants du peuple, élus démocratiquement.
Le destin de la réforme des retraites, qui affectera des millions de Français, est actuellement entre les mains de ces neuf conseillers. Sommes-nous en mesure de leur faire confiance? C’est une question à ne pas négliger, car toute décision juridique comporte une part d’interprétation. Prenons l’exemple de la réforme des retraites: le gouvernement a choisi de la faire examiner dans le cadre de l’article 47-1 de notre Constitution, qui concerne les lois de finances pour l’année. Cela pose la question de la pertinence d’une telle décision, car ce texte ne comporte pas uniquement des dispositions financières et dépasse le cadre de l’année.
De plus, il est à noter que cette réforme a été adoptée en utilisant toutes les procédures permettant de limiter les débats au Parlement : 47-1, mais aussi 44-2, 44-3 et, bien sûr, 49-3. Toutes ces procédures sont légales. Néanmoins, peut-on considérer que leur utilisation conjointe enfreint le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires? Là encore, c’est une question d’interprétation! Le Conseil prendra une décision, mais elle n’aura rien de mathématique ou d’automatique : elle sera par nature contestable.
## Pourquoi accepter que l’interprétation donnée par un Conseil nommé puisse censurer un Parlement élu?
La question est complexe. D’abord, il faut admettre que nous avons besoin de contrôler la constitutionnalité des lois votées par le Parlement, afin d’assurer l’État de droit. Ensuite, il est important de souligner que les conseillers constitutionnels sont censés mettre de côté leurs convictions politiques. Comme l’a dit Robert Badinter, ancien président du Conseil, les Sages ont un « devoir d’ingratitude » vis-à-vis de ceux qui les ont nommés. Toutefois, aucune garantie ne peut être donnée quant à leur impartialité.
La troisième raison est la plus significative: la légitimité du Conseil repose également sur sa capacité à contrôler non seulement la forme, mais aussi le fond des lois. Cela remonte au 16 juillet 1971, lorsque le Conseil constitutionnel a pris l’une des décisions les plus importantes de la Ve République en censurant une loi qui menaçait la liberté d’association. Cette décision a marqué le début du rôle des Sages en tant que garants des droits fondamentaux des individus, en plus de leur rôle de contrôle des procédures démocratiques.
## Garant des libertés
Au fil du temps, les juristes et les citoyens estiment que le Conseil constitutionnel a plutôt bien rempli son rôle de protecteur des libertés. On peut notamment observer le bilan du premier quinquennat d’Emmanuel Macron : plusieurs lois ont été censurées en raison de leur atteinte aux libertés fondamentales. Le contrôle du Conseil constitutionnel est donc acceptable car il protège, en quelque sorte, contre les lois liberticides.
C’est pourquoi il est important de faire confiance au Conseil constitutionnel, tout en restant vigilant en tant que citoyen. Cependant, il ne faut pas attendre du Conseil plus que ce pour quoi il est missionné. Le 14 avril, nous saurons si la réforme des retraites peut être considérée comme juridiquement légale. Mais est-elle légitime politiquement? Socialement acceptable? Économiquement fondée? Répondre à ces questions ne relève pas de la compétence des Sages.