Chaque semaine, Clément Viktorovitch aborde les discussions et les défis politiques. Le dimanche 28 mai, il s’est concentré sur le terme utilisé récemment par le chef de l’État, à savoir la « décivilisation ».
Emmanuel Macron a qualifié d’augmentation de la violence dans notre société lors du Conseil des ministres le mercredi 24 mai en se référant à trois tragédies récentes: l’assassinat d’une infirmière à l’hôpital de Reims, la mort de trois policiers à Roubaix dans un accident de voiture et l’incendie criminel de la maison du maire de Saint-Brevin-les-Pins. Bien que ces événements soient d’une nature différente, le président français souligne qu’aucune violence ne peut être justifiée et appelle à lutter contre ce processus de « décivilisation ».
Cependant, l’argumentation d’Emmanuel Macron est critiquée car elle repose sur une généralisation hâtive basée sur trois événements isolés et non liés entre eux. Pour établir une généralité, il convient de relier ces cas à une réalité plus large, appuyée par des données solides, qui montrent une régularité incontestable. Les statistiques de la violence sont contrastées : si les violences verbales augmentent, il n’en va pas de même pour les violences physiques et le nombre d’homicides, qui a diminué de moitié depuis 1988. Dans l’ensemble, les spécialistes s’accordent à dire qu’il n’est pas possible de parler d’une explosion de la violence et, par conséquent, d’un processus de « décivilisation ».
En utilisant ce terme, le président français reporte la responsabilité de ces actes violents sur la société en suggérant un changement d’état d’esprit auquel personne ne peut échapper. Cependant, il est essentiel d’analyser la situation pour identifier les responsabilités qui pourraient être attribuées à l’État. Par exemple, l’infirmière assassinée à Reims a été tuée par un patient suivi pour de lourds antécédents psychiatriques. Y a-t-il une responsabilité de l’État dans la situation catastrophique de la psychiatrie en France? Le maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez, a écrit aux autorités pour les alerter des menaces qu’il recevait de l’extrême droite sans jamais obtenir de réponse. Là encore, quelle est la responsabilité de l’État?
Utiliser le concept de « décivilisation » n’est qu’une façon pour Emmanuel Macron, qui est déjà au pouvoir depuis six ans, de se déresponsabiliser face aux problèmes actuels. Ce terme n’est pas neutre: il a été popularisé par Renaud Camus, un écrivain condamné pour provocation à la haine et à la violence contre les musulmans. Le choix de ce mot par le président contribue à légitimer les théories qu’il véhicule. Bien que l’Élysée ait indiqué que Macron ne faisait pas référence à cet auteur, les mots ont une histoire qui transcende ceux qui les utilisent. En cherchant à se dégager de toute responsabilité dans les drames qui marquent l’actualité, Emmanuel Macron pourrait finalement être encore plus responsable des problèmes actuels sur le plan politique.