La plus jeune cinéaste en lice, Ramata-Toulaye Sy, a créé un film percutant mettant en scène une femme à la recherche de sa liberté. « Banel et Adama » raconte de manière contemporaine l’histoire de l’affranchissement. Brillant.
Certaines montées des marches sont plus émouvantes, voire plus sincères, que d’autres. Ramata-Toulaye Sy, la plus jeune réalisatrice en compétition, n’a pas pu retenir ses larmes de joie. Accompagnée de son équipe tout aussi émue, la jeune réalisatrice a reçu une longue ovation de la part du public. Son premier long métrage, Banel et Adama, est entièrement en langue peule.
Dans un village du nord du Sénégal, Banel vit un amour intense avec son mari Adama. Elle aime comme « seule une femme sait aimer » : sans condition, totalement. Il n’y a pas de place pour le doute ou le compromis. L’amour de Banel est une forteresse dans un village isolé du monde extérieur. Rapidement, cet amour est perçu comme une agression. « Le destin d’une jeune femme est de donner une descendance mâle à son mari », lui rappelle sa belle-mère. Mais pour Banel, Adama lui suffit amplement.
L’amour à l’époque de la pénurie
Le village traverse une période de disette. La sécheresse remplit le cimetière. Les vaches meurent de soif. Hommes et animaux scrutent un ciel impitoyable, désespérément sourd aux lamentations et supplications. Il faut un coupable pour expliquer cette absence de pluie. Car si le village se vide de ses habitants valides, si la mort emporte les plus faibles, ce n’est pas sans raison. « Tout est lié, la sécheresse, ton amour pour Adama, ton désir de vivre dans une maison avec lui, seuls », pense savoir son frère jumeau Racine, qui l’exhorte à changer et à se conformer. Mais Banel rejette l’idée de se fondre dans le groupe, elle refuse de diluer son individualité.
Ramata-Toulaye Sy, l’une des sept réalisatrices en compétition, interroge le patriarcat et la place de l’individu dans une société qui se considère comme un corps uni qui réagit aux éléments extérieurs en se serrant les coudes. Banel, magnifiquement interprétée par Khady Mane, ne doute pas de son amour. Banel a peur qu’Adama vacille sur ses certitudes. Banel a peur de la lâcheté des hommes. Banel ne craint pas le chaos, elle sait qu’il est fertile.
La jeune réalisatrice a un sens aigu de l’esthétisme, l’image est très soignée. Banel et Adama, un film lumineux.
Les informations clés
Réalisation : Ramata-Toulaye Sy
Année de production : 2023
Pays : France, Sénégal, Mali
Durée : 87 minutes
Distribution : Khady Mane, Mamadou Diallo et Binta Racine Sy
Synopsis : Banel et Adama s’aiment. Ils vivent dans un village reculé au nord du Sénégal. Du monde, ils ne connaissent que cela, en dehors, rien n’existe. Mais l’amour absolu qui les unit va se heurter aux conventions de la communauté. Car là où ils vivent, il n’y a pas de place pour les passions, et encore moins pour le chaos.