Lilian Rolfe (1914-1945) sera à nouveau reconnue vendredi à Paris pour son rôle dans la libération de la France de l’Allemagne nazie
Les agents secrets ont joué un rôle important dans la libération de l’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup ont subi de terribles conséquences. C’est l’histoire d’une seule : Lilian Rolfe.
Née à Paris mais de nationalité britannique, Mme Rolfe a été parachutée en France occupée en avril 1944 dans le but de soutenir la Résistance française et de signaler les mouvements de troupes allemandes vers Londres.
Moins d’un an plus tard, elle serait morte. Mais son audace et son courage ont été reconnus plus tard, la France lui a décerné à titre posthume la Croix de Guerre, une décoration militaire française pour récompenser les exploits de bravoure pendant la guerre.
Vendredi 19 mai, elle recevra une nouvelle reconnaissance posthume lorsque la maire de Paris, Anne Hidalgo, dévoilera une plaque commémorant Mme Rolfe’à l’ancienne maison de sa famille dans la capitale française.
Les agents secrets « parmi les plus courageux » de la Seconde Guerre mondiale
Le 16 juillet 1940, alors que les bombardiers de la Luftwaffe intensifiaient leurs attaques et que la Grande-Bretagne préparait ses défenses contre la menace d’invasion, le Premier ministre Winston Churchill – soucieux de riposter et de montrer que le pays n’était pas vaincu – ordonna la création d’une unité secrète spéciale pour infiltrer territoires occupés et « embraser l’Europe ! »
Le très secret Chargé des opérations spéciales (SOE) a été formé moins d’une semaine plus tard pour entreprendre des opérations de reconnaissance, d’espionnage et de sabotage en Europe occupée.
Le SOE a mené des centaines d’actions de sabotage et d’actions secrètes très efficaces pour perturber l’activité ennemie et a été particulièrement important dans leurs opérations perturbant la réaction ennemie à l’invasion alliée du 6 juin 1944.
De par la nature même d’une organisation de ce type, ses membres pouvaient être impitoyablement torturés ou exécutés s’ils étaient pris, et leurs membres étaient parmi les individus les plus courageux de la Seconde Guerre mondiale.
Le premier agent du SOE est parachuté en France occupée dans la nuit du 5 au 6 mai 1941.
Mme Rolfe n’arrivera pas avant trois ans.
Née et éduquée à Paris, elle s’installe avec sa famille au Brésil au milieu des années 1930. Agée de 25 ans au début de la Seconde Guerre mondiale, elle travaillait pour l’ambassade britannique à Rio de Janeiro.
Mais elle tenait à jouer un rôle plus actif pour aider la Grande-Bretagne et libérer le pays de sa naissance. En 1943, elle quitte le Brésil sur un paquebot affrété pour rassembler des centaines de personnes en Amérique du Sud désireuses de rejoindre la cause alliée.
Arrivée au Royaume-Uni, elle s’est portée volontaire pour Force aérienne auxiliaire féminineavant de devenir plus tard un opérateur sans fil.
En décembre 1943, elle confie à un ami proche qu’elle s’est portée volontaire pour des « devoirs spéciaux » et qu’elle a été acceptée.
Arrivée en France occupée
Un avion a largué Mme Rolfe près d’Orléans en France occupée en avril 1944. Elle s’est d’abord rendue à Châteauroux pour rencontrer son contact désigné avant de se rendre à Saint Gaultier pour voir son commandant, George Wilkinson, qui était hébergé par un commerçant appelé Monsieur Dappe en ville.
Une heure seulement après que Mme Rolfe et M. Wilkinson aient quitté la maison de Dappe, les Allemands ont fait une descente et ont arrêté le commerçant après que quelqu’un à la mairie de la ville l’ait dénoncé pour avoir aidé des agents alliés.
Mme Rolfe a déménagé à Saint-Hilaire, où elle a été hébergée par le propriétaire d’un garage. Elle est restée un peu plus de deux semaines mais a fait une impression durable sur ses hôtes.
Là, elle a commencé à transmettre des messages vers l’Angleterre et a reçu des réponses – souvent toute la nuit. Si le temps le permettait, elle faisait également du vélo dans la région pour noter ce que les forces allemandes faisaient dans la localité et, si elle était considérée comme importante, rendait compte de leurs activités à l’Angleterre.
Le séjour de Lilian là-bas s’est terminé lorsqu’une voiture radiogoniométrique allemande – utilisée par les services secrets nazis pour traquer les radios clandestines ennemies – s’est arrêtée un jour devant la maison.
Il se trouve que M. Wilkinson rendait visite à Mme Rolfe et ensemble, ils ont pris les armes et ont attendu ce qu’ils pensaient être l’assaut inévitable contre la maison. Mais, peut-être parce qu’il n’y avait qu’un seul Allemand dans la voiture, elle est partie.
Ne prenant aucun risque, M. Wilkinson s’arrangea aussitôt pour que Mme Rolfe parte, la transférant à Égry, où elle devait soutenir les activités de Pierre Charié, un négociant en vin qui était également l’animateur régional de plusieurs groupes de résistance du maquis.
Son commandant, M. Wilkinson, a été arrêté le 26 juin 1944. Alors que les Allemands semblaient se rapprocher, Mme Rolfe a reçu l’ordre de se déplacer tous les deux jours. C’est exactement ce qu’elle avait fait – au domicile de deux instituteurs, Jeannette et Maurice Verdier, dans le village de Nargis, à une quinzaine de kilomètres au nord de Montargis – quand sa chance a finalement tourné.
Malchance ou trahison ?
Le 31 juillet 1944, un inconnu se présenta à la maison mais ayant donné le mot de passe correct, il fut admis. Cela a déclenché un raid de la Gestapo qui a rattrapé Mme Rolfe, son garde du corps François Bruneau et les Verdier. Bruneau, bien que menotté, réussit à s’échapper et parcourut à pied les 16 kilomètres pour retrouver M. Charié et l’avertir de sa capture.
Malheureusement, on s’est rendu compte plus tard qu’une forte unité de résistance du maquis se trouvait à proximité de l’endroit où Lilian a été arrêtée, mais en raison des mesures de sécurité en place dans l’organisation de Charié, Bruneau n’était pas au courant.
Deux théories ont ensuite émergé quant à la cause de l’arrestation de Mme Rolfe. La première est qu’elle a simplement été prise par malchance – que les Allemands cherchaient quelqu’un d’autre et sont tombés sur elle par hasard.
Le second, cependant, est centré sur l’utilisation du mot de passe de la Résistance par l’étranger qui a appelé à la maison. La source de ce mot de passe a ensuite été revendiquée comme étant Annick Boucher, alias Yvonne Tessier, et connue localement sous le nom de « la belle Annick » ou « la grande blonde ».
Nominalement membre de la Résistance, Boucher aurait également été la maîtresse d’un certain nombre d’officiers allemands, dont le commandant en second de la Gestapo d’Orléans. On pense qu’elle était à la solde des services de sécurité allemands et c’est ce lien qui a conduit à la soupçonner de l’arrestation de Mme Rolfe.
M. Charié a commencé à planifier une tentative de sauvetage de la jeune femme. Sachant qu’elle avait d’abord été emmenée à Montargis, il prévoyait qu’elle serait bientôt transférée en captivité à Orléans, avant d’être envoyée à la prison de Fresnes et interrogée à Paris. Il s’arrangea donc pour que ses maquisards attaquent toute voiture ennemie sortant de la prison des Allemands à Montargis.
Mais l’ennemi, réalisant peut-être l’importance d’essayer rapidement de contraindre Mme Rolfe à poursuivre les transmissions radio vers l’Angleterre, l’avait déjà transférée à la prison de Fresnes à la périphérie de Paris, d’où on peut supposer qu’elle a été emmenée pour interrogatoire.
Derniers jours
Après un interrogatoire à Paris, Mme Rolfe a été transférée au camp de concentration de Ravensbrück en Allemagne, avec deux autres membres du SOE, Denise Bloch et Violette Szabo.
Elle est alors envoyée travailler à Torgau dans le nord-ouest de la Saxe. Au cours de son voyage, elle s’est liée d’amitié avec une Française, Jacqueline Bernard, qui, après la guerre, a déclaré que Mme Rolfe lui avait dit que les Allemands avaient tenté de la faire passer à Londres en tant qu’agent double. Elle avait refusé de le faire et avait résisté à un interrogatoire qui visait à obtenir des détails sur la section française du SOE.
Mme Rolfe n’était pas bien pendant le transport vers Torgau et on a découvert qu’elle souffrait d’un accès de fièvre. Quoi qu’il en soit, elle a dû endurer une longue marche par temps chaud de la gare au camp de travail, n’y parvenant qu’avec l’aide de plusieurs autres femmes. À son arrivée, elle s’est évanouie et a été admise à l’hôpital du camp où elle a été autorisée à rester pendant les trois semaines entières qu’elle, Mme Bloch et Mme Szabo étaient à Torgau.
Début octobre, Mme Rolfe a été envoyée travailler à Königsberg en Prusse orientale – aujourd’hui Kaliningrad, une enclave russe. Elle était de nouveau malade et cette fois une infirmière polonaise sympathique l’a dispensée de travailler. C’était une chance car les femmes n’avaient encore que des robes légères dans des conditions enneigées et glaciales.
Elle est restée gaie
À l’hôpital, elle s’est liée d’amitié avec une autre Française qui a décrit plus tard comment la santé de Mme Rolfe s’était détériorée à cette époque. Elle avait de la difficulté à digérer la nourriture et est devenue très maigre et faible. Ce qui continuait néanmoins d’impressionner tous ceux qui la connaissaient à cette époque était son esprit et son moral, elle restait joyeuse et savourait les nouvelles occasionnelles des avancées alliées.
Mme Rolfe fut rappelée à Ravensbrück en janvier 1945. Elle fut d’abord détenue au quartier disciplinaire. À ce moment-là, Mme Rolfe était trop faible pour marcher et après trois ou quatre jours, elle a de nouveau été transférée dans une cellule d’isolement du Zellenbau, un bloc de semi-bunker séparé qui ne pouvait pas être observé de l’intérieur du camp.
Elle n’a jamais été revue par aucun des autres prisonniers du camp et bien qu’il y ait eu des rumeurs selon lesquelles elle avait été libérée et retrouvée en France, les véritables circonstances de son sort n’ont été découvertes que lors des enquêtes de Vera Atkins en 1945 et 1946 sur le sort des agents disparus du SOE.
Mme Rolfe aurait été exécutée entre le 25 janvier et le 5 février 1945.
Les rapports suggèrent qu’elle était encore si malade qu’elle a dû être transportée sur une civière même pour le court trajet de sa cellule à la cour adjacente où le commandant du camp de Ravensbrück, le SS- Stürmbannfuhrer Fritz Sühren , attendait pour lire l’ordre d’exécution.
SS-Sturmann Schult (ou Schulter), puis lui a tiré dans la nuque à l’aide d’un pistolet. Son corps a été immédiatement brûlé dans le crématorium du camp, à quelques mètres seulement.
Cet article est une version éditée d’un article publié par l’Allied Forces Heritage Group. Crédits : Auteur : Paul McCue. Présentation et recherche complémentaire : Ian Reed. Voir www.afheritage.org