En pensant encadrer l’influence commerciale, les Sénateurs adoptent un texte inapplicable et liberticide. Une entrave à la liberté d’expression contraire à l’esprit initial de la loi qui frappera non seulement les « influenceurs », mais également les journalistes , les élus et tous les citoyens utilisateurs des réseaux sociaux.
Non visés mais non exclus par le texte, entrent dans le champ d’application de la loi adoptée hier en séance publique du Sénat :
- un journaliste qui teste une voiture qu’une marque lui aurait mis à disposition pour un essai,
- un critique convié à un spectacle de théâtre ou à la projection d’un film,
- un élu politique qui inaugure ou visite le salon du livre sans payer sa place,
- un consommateur qui reçoit un échantillon,
- un citoyen qui reçoit de la part d’une ONG des préservatifs en vue d’une campagne de prévention
Le texte, prenant le parti-pris de ne pas définir “l’influenceur professionnel” mais l’activité d’influence commerciale, s’applique ainsi à toutes personnes qui “à titre onéreux, communiquent au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique”. (Article 1)
- “à titre onéreux”, inclut les rémunérations financières mais également tout avantage en nature (sans seuil de valeur) ;
- “visant à faire la promotion, directement ou indirectement”, inclut donc tous les contenus jugés comme positifs ;
- “toute personne physique ou morale”, sans seuil d’audience (nombre minimum de followers)
- concerne tout autant les biens, les services et les causes.
C’est ainsi que se retrouvent soumis à la loi le journaliste, le critique, l’élu, le consommateur ou le citoyen, dès lors qu’ils publient un avis positif sur un média en ligne ou sur les réseaux sociaux à la suite d’un événement, d’une expérience ou d’un prêt organisé sans exigence de contrepartie. Soumis aux obligations de la loi et notamment l’obligation d’apposer la mention “Publicité” sur l’image ou la vidéo de leur publication accompagnée des autres mentions légales, ils s’exposent à une sanction pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende en cas de non-respect.
Très investi sur l’encadrement des pratiques, notre syndicat a accueilli favorablement l’initiative transpartisane d’encadrer l’influence commerciale. Nous étions convaincus par les intentions politiques de protéger le consommateur des dérives de certains influenceurs en les rappelant à la loi et en les responsabilisant, tout en évitant la stigmatisation de l’influence qui est un secteur économique en plein essor. A la lecture du texte adopté hier au Sénat, nous sommes très inquiets tant il dessert les intentions initiales et nuira aux créateurs de contenu, à l’économie des médias, et plus largement, au tissu économique national et local.
Sandrine Cormary, présidente du SCRP
Afin de limiter ces effets de bords potentiellement dramatiques, le Syndicat du Conseil en Relations Publics (SCRP) en appelle aux parlementaires qui composeront la Commission Mixte Paritaire de renforcer la définition juridique d’influence commerciale (art. 1) en exigeant l’existence “d’engagements réciproques”. Cette disposition permettrait de limiter l’application de la loi aux contenus produits dans le cadre d’une véritable collaboration commerciale et non les contenus qui relèvent de la seule liberté d’expression et qui sont la grande majorité des milliers de contenus produits quotidiennement sur les réseaux sociaux.
Source : Syndicat du Conseil en Relations Publics