Depuis plus de quatre décennies, la lutte contre les mollahs perdure, selon la réalisatrice iranienne engagée Sepideh Farsi. Dans son film « La Sirène », elle célèbre la ténacité de son peuple en abordant un autre épisode crucial de l’histoire de l’Iran: le conflit entre l’Iran et l’Irak.
Participant au festival d’Annecy et sortant en salles le 28 juin, La Sirène, le premier film d’animation de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi, raconte l’histoire d’Omid, un adolescent de 14 ans vivant avec son grand-père à Abadan, capitale de l’industrie pétrolière iranienne assiégée par l’armée irakienne en 1980. Omid découvre un « lenj » (bateau traditionnel du sud de l’Iran) et décide de l’utiliser pour évacuer les habitants de sa ville, résistant ainsi à l’envahisseur et aux nouvelles normes imposées par les dirigeants religieux depuis la révolution de 1979.
Sepideh Farsi estime que la guerre Iran-Irak (1980-1988) est un moment crucial de l’histoire iranienne et de sa vie personnelle. Née à Téhéran en 1965, elle avait pratiquement l’âge d’Omid lorsque le conflit a éclaté. Dans une interview organisée en mai avec l’AFP dans sa résidence parisienne, elle se souvient de la fascination qu’exerçait Abadan, cette ville cosmopolite qu’elle avait visitée étant enfant, et de l’extraordinaire résistance des civils face à l’ennemi, pendant huit mois.
Selon Farsi, le régime religieux a toujours monopolisé le récit de cette guerre, utilisant « l’ennemi étranger pour vraiment nettoyer la société de toute dissidence et opposition ». Il est donc important pour elle de donner la version du peuple, notamment à travers le personnage d’Omid, un jeune garçon frêle qui n’est pas un super-héros, et d’Elaheh, une artiste inspirée de diverses divas iraniennes privées du droit de chanter en public.
La cinéaste autodidacte a choisit l’animation comme moyen d’expression pour ce projet, qu’elle a mûri pendant 8 ans. La reconstitution en prises de vues réelles d’une ville totalement détruite pendant la guerre et où elle n’a plus le droit de se rendre depuis 2009 à cause de son « passif avec le régime » aurait été difficile. Avant de venir étudier les mathématiques en France en 1984, Sepideh Farsi a notamment été arrêtée à l’âge de 16 ans pour avoir caché une dissidente de 19 ans, qui a ensuite été retrouvée chez elle et exécutée.
Dans une tribune publiée en janvier dans Le Monde, Farsi a exhorté l’Occident à ne plus s’adresser aux dirigeants du régime iranien, qui « tue ses enfants » et « viole sa jeunesse » pour « mater la révolte », suite à la mort en septembre de Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs pour non-respect du code vestimentaire de la République islamique.
Dans La Sirène, une jeune femme enlève son foulard pour soigner un blessé, provoquant la peur chez Omid. Cette scène a été imaginée bien avant les événements auxquels elle fait écho. « Les cheveux deviennent une arme qui peut faire paniquer, c’est ce qui se passe aujourd’hui en Iran. Les femmes résistent en enlevant le foulard, (…) en dansant contre des balles réelles », souligne Farsi. Selon elle, il y a une continuité dans cette résistance, qui se manifeste par vagues successives depuis 1979 face à « un régime monstrueux ». Bien que cela prenne du temps, la répression actuelle montre que « le régime est aux abois », selon la réalisatrice.