Certains internautes, très choqués, ont protesté contre la démolition d’un menhir à Carnac pour la réalisation d’un magasin de matériaux de construction. « J’ai traversé trois jours d’horreur, que je ne souhaite même pas à mon pire adversaire », raconte le maire Olivier Lepick, qui a été placé sous la surveillance des forces de l’ordre.
« Je ne vais pas me laisser intimider par les tribunaux digitaux de la haine », a déclaré Olivier Lepick, maire de Carnac (Morbihan), sur 42mag.fr le vendredi 9 juin. Accusé d’avoir autorisé la destruction de 39 menhirs pour la construction d’un magasin de bricolage, l’élu assure avoir reçu des menaces de mort. Il dénonce une « fake news », car « ce ne sont pas 39 menhirs, mais quatre pierres qui auraient pu être des menhirs qui ont été détruites ». Depuis, l’élu est sous la protection des gendarmes et ne compte pas démissionner. Il condamne « une chasse à l’homme digitale et numérique » provoquée par un article d’un journal régional qui a publié des informations « non vérifiées ».
franceinfo : De quoi vous accuse-t-on exactement ?
Olivier Lepick : C’est une histoire assez simple et malheureusement courante dans notre société. Cela commence par une erreur administrative qui a conduit à la destruction d’un site archéologique mineur, comme l’a reconnu la Direction régionale des affaires culturelles il y a quelques heures, et cela a déclenché un tsunami de haine sur les réseaux sociaux qui a touché mon épouse. Mes enfants ont reçu des centaines de messages extrêmement violents. Personnellement, j’ai reçu des menaces de mort et on a menacé de brûler ma maison. J’accuse un journal régional d’avoir repris les propos d’un archéologue amateur qui n’est pas compétent dans ce domaine. Malgré mes demandes de délais pour que je puisse consulter les autorités, ce journal a publié ces informations, qui ont ensuite été reprises par tous les médias nationaux sans vérification. A partir de là, le tsunami se déclenche et vous êtes tout seul face aux réseaux sociaux, aux menaces, à la haine.
Est-ce que vous avez eu peur ? Est-ce que le sous-préfet a eu raison de faire appel aux gendarmes pour mettre en place une protection ?
Non, je n’ai pas peur. Peut-être parce que ce n’est pas dans ma nature. Ce qui m’inquiète, c’est l’impact sur mon épouse et mes enfants. Les services de l’État ont été irréprochables. Le sous-préfet a été très prévenant et diligent. Je pense que la décision de nous protéger était une bonne précaution. Mais ce que je dénonce, c’est cette société de la vindicte, du lynchage, cette société de la violence. Je pense que les médias ont une responsabilité. J’ai été très surpris que de nombreux grands médias que je respectais aient repris sans vérification des informations qui laissaient à penser que j’avais autorisé la construction d’un magasin de bricolage dans les alignements de Carnac.
Qu’est-ce qui s’est passé réellement ?
Nous sommes dans une zone commerciale et artisanale, à trois kilomètres des alignements. Ce ne sont pas 39 menhirs, mais quatre pierres qui auraient pu être des menhirs qui ont été détruits. Malheureusement, les gens ont pu croire que j’étais corrompu et que j’avais autorisé la construction d’un magasin de bricolage dans un site exceptionnel à cause des photos des alignements de Carnac dans l’article. Je peux comprendre que certains n’aient lu que le titre sans cliquer sur l’article.
Savez-vous qui est derrière ces menaces et allez-vous engager des poursuites judiciaires ?
C’est difficile de savoir. La plupart des gens qui font ce genre de menaces se cachent derrière l’anonymat des réseaux sociaux. J’aimerais porter plainte. Le préfet et le sous-préfet m’incitent à le faire. Mais après la semaine que je viens de vivre, est-ce que j’ai envie de passer des heures à la gendarmerie pour retrouver toutes les insultes et menaces graves que j’ai reçues ? Je ne suis pas sûr que cela aboutira à quelque chose.
Envisagez-vous de démissionner ?
Pas une seule seconde. Je suis droit dans mes bottes. Je n’ai rien fait de mal et je pense que les développements juridiques de cette affaire le prouveront. Je n’ai pas l’intention de me laisser intimider par les tribunaux digitaux de la haine. Notre société doit réfléchir à la façon dont on livre des gens en pâture. Les médias ne devraient pas publier sans vérifier, sans aller voir à la source. Dans des journaux prestigieux, j’ai constaté qu’on reprenait mot à mot un article initial où figuraient des énormités non vérifiées. C’est ce qui a allumé la mèche de ce bâton de dynamite qui a fini par exploser.