L’ex-dirigeant de l’Italie avait établi un empire authentique dans des domaines culturels cruciaux du pays, avec des conséquences positives et négatives.
Silvio Berlusconi, décédé le 12 juin 2023, a laissé une empreinte indélébile sur la culture italienne au cours des quarante dernières années. Avant de devenir un acteur clé de la politique italienne, le « Cavaliere » a dominé, grâce à sa holding Fininvest, de nombreux secteurs tels que la télévision, la publicité, l’édition et le cinéma. Salué pour ses brillantes réalisations mais aussi pointé du doigt comme le fossoyeur du cinéma italien, il laisse derrière lui une image contrastée. Lors de l’annonce de son décès, l’ancien ministre français de la Culture, Jack Lang, déplore sur Twitter « l’action néfaste qu’il a eue sur la culture italienne et européenne ». Retour sur son influence dans l’univers culturel.
Mondadori, un géant de l’édition
À la fin des années 1980, Silvio Berlusconi étend son empire médiatique en acquérant des parts significatives de Mondadori, le plus grand groupe d’édition italien. Cela s’accompagne d’une longue bataille judiciaire de plus de deux décennies et d’une condamnation à verser, en 2013, 500 millions d’euros au groupe De Benedetti pour des accusations de corruption.
Couvrant aussi bien la fiction, les essais, les livres pour enfants, le groupe de presse, dirigé aujourd’hui par sa fille Marina Berlusconi, contrôle d’importants segments de la production intellectuelle du pays. Il détient des filiales telles que Mondadori Electa pour les livres d’art, Mondadori Education pour les manuels scolaires, Rizzoli, un fleuron réputé pour ses essais et ses livres jeunesse, et Il Mulino, spécialisé dans le secteur universitaire. Véritable pieuvre, le groupe possède également 600 points de vente et un vaste site de vente en ligne.
Le « Cavaliere » n’a pas hésité à s’impliquer personnellement. En 2001, en pleine campagne électorale, Silvio Berlusconi a utilisé son groupe pour publier et distribuer sa biographie à des millions de ses compatriotes. Passionné de livres, il a également supervisé lui-même l’édition d’ouvrages tels que l’Éloge de la folie d’Érasme, l’Utopie de Thomas More, le Prince de Machiavel (avec des annotations de Napoléon), et même le Manifeste du parti communiste de Marx et Engels. Face à ce mastodonte de l’édition, certains auteurs, comme Umberto Eco, ont manifesté leur mécontentement en créant une maison d’édition indépendante, La Nave di Teseo.
Un poids lourd de l’audiovisuel
Grâce à Mediaset, devenue aujourd’hui MediaForEurope, Silvio Berlusconi devient progressivement un acteur incontournable de la production cinématographique italienne. Sa maison de production, Medusa Films, a soutenu des réalisateurs tels que Bernardo Bertolucci, Ettore Scola ou Giuseppe Tornatore, et distribué de nombreux films italiens et internationaux, dont des œuvres célèbres comme Basic Instinct et Terminator II.
Dans les années 1980, on l’accuse d’avoir contribué à la désertion des salles de cinéma et à la mort du cinéma d’auteur italien. Cependant, dans les colonnes du journal Le Monde, le groupe Berlusconi se défend et déclare : « Nous avons participé cette année (1985) à la production de près de quarante des quelque cent longs métrages italiens. (…) Nous possédons, entre Rome et Milan, seize studios. Nous y proposons cinquante-quatre de nos retransmissions hebdomadaires : quatre mille heures par an ».
Depuis, le géant de l’audiovisuel italien a perdu de sa splendeur. « Son grand défaut, c’est qu’il n’a jamais compris ni le numérique ni la télévision payante comme Sky et Netflix », analyse Carnevale Maffè, professeur de stratégie à l’Université Bocconi de Milan.