Les juges expriment leur inquiétude quant à l’éventuelle propagation d’une radicalisation des convictions au sein des agents de police suite à la réunion entre le ministre de l’Intérieur et les syndicats de police.
Un traitement spécial pour les policiers ?
Les propos du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en soutien des policiers placés en détention provisoire à Nanterre et Marseille, ont suscité l’inquiétude des magistrats. Pour sa première prise de parole depuis le début de la crise qui agite la police, il a déclaré que « les policiers ne peuvent pas être les seuls pour lesquels la présomption d’innocence ne compte pas ». Selon les syndicalistes policiers interrogés à l’issue de leur rencontre avec le ministre, ce dernier envisagerait de réviser l’article 144 du code de procédure pénale.
Cet article définit les critères de placement en détention provisoire, notamment pour éviter une pression sur les témoins ou les victimes, ou encore pour empêcher une entente frauduleuse. Cependant, les principaux syndicats de police estiment qu’un policier ne devrait pas être placé en détention en attendant son éventuel procès. Si le code est modifié dans ce sens, cela irait à l’encontre du principe d’égalité devant la loi, inscrit dans nos normes depuis 1789.
« Une proposition qui met fin à l’égalité devant la loi »
La Conférence nationale des premiers présidents de cours d’appel (CNPP) et la Conférence nationale des procureurs généraux (CNPG) ont réagi par communiqué, dénonçant une « dégradation de l’État de droit » et une atteinte à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance de la justice. Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l’Union syndicale des magistrats, souligne que « chacun doit être dans une même situation face à la loi pénale et face à un juge ». Selon lui, si la loi est modifiée pour créer un régime particulier pour certaines catégories de population, certains seraient au-dessus de la loi des autres et d’autres en dessous, mettant ainsi fin à l’égalité devant la loi. Il estime que la situation actuelle est assez grave.
« Je pense que chacun doit sortir de ce moment d’émotion pour retrouver un peu de sérénité. On ne légifère pas sous le coup de la pression et de l’émotion, surtout quand on touche à des principes qui sont essentiels au bon fonctionnement de la démocratie », déclare Aurélien Martini.
La remise en cause des décisions de justice
Les syndicats de magistrats sont également préoccupés par la remise en cause des décisions de justice de placer des policiers en détention, comme cela a été le cas à Nanterre ou à Marseille, car cela remet en cause leur déontologie professionnelle. Aurélien Martini affirme que ces décisions ont été prises avec le plus grand discernement et la plus grande réflexion, et qu’elles ne doivent pas être remises en cause de manière aussi catégorique par le pouvoir exécutif.
« Quand vous affaiblissez l’autorité judiciaire, vous affaiblissez, par voie de conséquence, l’autorité de la police. Et ça, demain, nous allons le payer cher parce que du point de vue de l’opinion, vous ne pouvez pas dire que d’un côté il y a la justice, de l’autre côté la police », souligne-t-il.
L’appel formé par le policier marseillais qui conteste son placement en détention provisoire sera examiné le 3 août par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.