Pour la première fois, l’illustre figurine se transforme en personnage principal dans un long métrage en images réelles, qui sera projeté sur grand écran dès ce mercredi. Sur une période de plus de 60 ans, ce personnage a su s’adapter à l’évolution de son époque.
Étant la première femme à être représentée dans de nombreux domaines tels que l’astronautique, la chirurgie ou la politique par le biais d’une candidature à une élection présidentielle, la poupée Barbie a néanmoins dû patienter plus de 60 ans avant de faire ses débuts dans une adaptation cinématographique live. Le film tant attendu, Barbie, sous la houlette de la réalisatrice Greta Gerwig et interprété par Margot Robbie (dans le rôle de Barbie) et Ryan Gosling (dans celui de Ken), sortira sur les écrans français le mercredi 19 juillet.
D’après la bande-annonce, le film semble transcender la comédie légère pour explorer des aspects plus profonds de la vie réelle et de l’industrie cinématographique, portés par la vision de la réalisatrice et de l’actrice productrice. En effet, à l’ère post-#MeToo, un film ou un jouet comme Barbie ne peuvent se permettre d’être réducteurs ou superficiels.
Depuis son introduction en mars 1959 par Elliot et Ruth Handler, fondateur et directrice marketing de Mattel respectivement, la poupée Barbie a toujours été conçue comme un outil d’émancipation pour les jeunes filles. Son nom a été inspiré de celui de la fille du couple, Barbara.
« Mon idée de Barbie était qu’à travers la poupée, la petite fille peut devenir ce qu’elle veut être. Barbie a toujours incarné une femme qui a le choix. »
Ruth Handler, la créatrice de Barbiedans un communiqué de presse
Selon Sandrine Galand, professeure de littérature à Montréal et autrice de l’essai Le Féminisme pop, la création d’une poupée « adulte » est un acte profondément féministe. Elle note que Barbie, qui n’est pas mariée et n’a pas d’enfants, a toujours été présentée comme active et indépendante, une image radicalement différente de celle de la pin-up qui lui sera bientôt associée.
Au-delà de l’apparence
Malgré la polémique autour de son apparence idéalisée – une silhouette parfaite, une poitrine généreuse, de longs cheveux blonds, une peau blanche, des talons hauts – Barbie s’est efforcée de défier les stéréotypes sexistes, selon Sabrina Bouarour, docteure en études cinématographiques. Il faut noter que ce physique de pin-up, bien que critiqué, était audacieux pour l’époque. Pour contrer les critiques, Mattel a progressivement diversifié les poupées Barbie en termes de races, de tailles et de cultures. Aujourd’hui, il existe 175 versions différentes de la poupée.
« Initialement, ce jouet proposait une nouvelle vision de la femme aux petites filles, il a été précurseur dans l’envie de bousculer les codes que la société veut imposer aux femmes. »
Karine Haucolas, experte en communication digitaleà franceinfo
La poupée n’est plus simplement un stéréotype féminin unique et l’adaptation cinématographique arrive au moment où la poupée fait face à une évolution significative. De plus, le film survient dans un moment de l’industrie du cinéma hollywoodien toujours secoué par l’affaire #MeToo.
Le spectacle au service de la cause
Même si sur papier, une production d’un gros studio comme Warner Bros basée sur une icône de la consommation comme Barbie pourrait ne pas sembler être une célébration des femmes, le film pourrait surprendre. En effet, le mouvement féministe a gagné de l’ampleur dans les médias et l’industrie du divertissement, et pourrait être porté à l’écran à travers ce film.
« Barbie, ou plutôt la dimension féministe qu’on lui concède aujourd’hui, fait partie de ce ‘féminisme pop’, pensé en lien avec sa mise en spectacle. »
Sandrine Galand, autrice de « Le Féminisme pop »à franceinfo
La comédienne Margot Robbie a révélé, lors d’une interview avec The Hollywood Reporter, son ambition de défier les attentes du public avec le film Barbie. Elle est bien consciente des implications de l’adaptation du jouet emblématique au grand écran.
La revanche d’une blonde
Connue pour ses rôles forts et féminins, tels qu’Harley Quinn dans Suicide Squad, la patineuse Tonya Harding dans Moi, Tonya, ou récemment dans Babylon, Margot Robbie produit également des films engagés comme Promising Young Woman grâce à sa société LuckyChap. Quant à Greta Gerwig, réalisatrice de Lady Bird et des Filles du docteur March, sa participation à la réalisation du film apporte une dimension féministe sérieuse.
« Greta Gerwig s’est déjà emparée de la question de la représentation du féminin, elle a utilisé un roman populaire du XIXe siècle pour poser des questions très actuelles sur la condition féminine. »
Sabrina Bouarour, docteure en études cinématographiquesà franceinfo
Le duo derrière le film, Gerwig et son compagnon cinéaste Noah Baumbach, est reconnu pour la précision et l’intelligence de ses observations. Ils devront jongler entre la nostalgie des fans de Barbie devenus adultes et la critique de la représentation exacerbée de la féminité.
« En jouant de son image, Barbie peut dessiner un nouvel horizon quant aux représentations du corps féminin dans la culture pop. »
Sandrine Galand, autrice de « Le Féminisme pop »à franceinfo
Les jeunes filles qui ont passé leur enfance avec Barbie peuvent désormais la voir sous un angle critique et lui être reconnaissante. Sandrine Galand conclut en disant : « Mon amour de la culture pop m’a menée vers le féminisme plutôt que de m’en éloigner. Si j’écris aujourd’hui, c’est grâce aux Barbies avec lesquelles j’ai joué jusqu’à l’âge de 13 ans. »