Est-ce que les plateformes de médias sociaux, notamment Tiktok, représentent réellement une menace pour la santé des plus jeunes ? La question est plus complexe qu’il n’y paraît. Revenons sur les conclusions du rapport sénatorial.
L’Analyse scientifique du week-end
, présentée par Mathilde Fontez, la responsable éditoriale du magazine Epsiloon. Les discussions sur TikTok sont relancées suite à la publication du rapport d’une commission d’enquête initiée par le Sénat en mars dernier.
franceinfo : Quels risques cette plateforme – qui est l’application la plus téléchargée dans le monde – représente-t-elle ? Quels sont ses dangers, notamment pour la population jeune?
Mathilde Fontez :
La situation n’est pas tout à fait claire. Dans leur rapport final, les sénateurs ont essentiellement exprimé leur préoccupations concernant les liens de l’application avec le gouvernement chinois. Ils mettent l’accent sur les risques en lien avec la géopolitique, les possibilités de distorsion de l’information, ainsi que le manque d’ouverture dans le fonctionnement de l’application. Les zones d’incertitude concernent notamment la collecte, le stockage et l’utilisation des informations des utilisateurs.
Les sénateurs mettent également en exergue l’absence de vérification de l’âge des utilisateurs. TikTok compte 22 millions d’utilisateurs en France, dont 47% sont âgés de 13 à 24 ans. L’application est théoriquement interdite aux moins de 13 ans, néanmoins, 63% des enfants de cet âge l’utilisent, de même que 45% des enfants de 11-12 ans. La question centrale est celle des risques psychologiques encourus par ces enfants qui sont certainement plus sensibles que les adultes à l’afflux persistant de vidéos. Jusqu’à présent, aucune réponse définitive n’a été apportée à ce sujet.
Néanmoins, on entend souvent parler de dépendance aux réseaux sociaux, n’est-ce pas ?
C’est vrai, mais les études existantes – qui sont rares, le rapport corrobore une enquête que nous avions menée il y a quelques mois – démontrent que le sujet n’a commencé à être exploré par les experts que récemment, et les premiers résultats ne sont pas très clairs, voire même parfois contradictoires.
Bien sûr, certains dangers ont été démontrés : pour les enfants de moins de 3 ans, les données sont sans équivoque et prouvent que l’utilisation de TikTok, et des réseaux sociaux de façon plus générale, nuit à l’acquisition du langage, à la reconnaissance des sentiments et à la motricité fine. Les effets des écrans sur le sommeil sont également largement reconnus : une forte exposition retarde l’endormissement et trouble la nuit.
Est-il possible de faire une conclusion globale?
L’hypothèse d’une dépendance créée par TikTok, qui rendrait ses utilisateurs mentalement moins sains, ou qui aurait un impact négatif sur leurs performances scolaires, reste pour le moment difficile à prouver. Comme c’est le cas pour les autres plateformes de réseaux sociaux, à moins qu’une utilisation très intensive en soit faite. TikTok provoquerait-elle, par exemple, un manque d’attention ? Les chercheurs n’ont rien remarqué de tel. Il est impossible d’affirmer que les réseaux sociaux ont des effets négatifs. Ils pourraient plutôt agir comme des amplificateurs, en accentuant des difficultés psychologiques préexistantes.
Par ailleurs, certaines recherches ont également mis en avant des effets bénéfiques : la diminution du stress, la connexion sociale, et surtout la stimulation de la créativité.
Le rapport du Sénat est disponible ici : senat.fr