L’ancienne ministre a cédé sa place à Bérangère Couillard, qui était précédemment secrétaire d’État à l’Écologie. Plus tôt dans la semaine, diverses organisations militant pour les droits des femmes l’avaient soutenue.
Les revendications des associations féministes n’ont pas été satisfaites. Mercredi 19 juillet, à la veille du changement de gouvernement d’Élisabeth Borne, une quarantaine de groupes de défense des droits de la femme, des réseaux et des collectifs féministes ont demandé, dans une tribune publiée sur Twitter, que la ministre déléguée aux droits des femmes et à l’égalité des sexes, Isabelle Rome, soit conservée à son poste. Exigeant une « stabilité » mais aussi une « efficacité », elles jugent que de véritables avancées ont été réalisées ces derniers mois.
Cependant, leur démarche de dernière minute n’a pas porté ses fruits. Jeudi 20 juillet, les noms des nouveaux ministres et ceux qui quittaient le gouvernement ont été annoncés dans l’après-midi. Les médias ont rapporté que Bérangère Couillard, anciennement secrétaire d’État à l’Écologie, a remplacé Isabelle Rome. L’équipe de cette dernière n’a été informée de son départ que quelques minutes avant la communication officielle de l’Élysée en début de soirée, selon les informations recueillies par 42mag.fr. Isabelle Rome n’aura occupé son poste que pendant un peu plus d’un an.
« Cette démarche n’est pas logique »
Cette magistrate de métier, précédemment haut-fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes au ministère de la Justice, avait pourtant d’importantes missions à entreprendre à la rentrée, en particulier dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux femmes, l’une des priorités du quinquennat. Parmi les objectifs, une réforme législative visant à allonger le délai de prescription pour les victimes adultes d’infractions sexuelles sérieuses, comme il est déjà prévu pour les victimes mineures, ainsi que l’augmentation des peines infligées en cas de viols répétés.
Elodie Jacquier-Laforge, vice-présidente du MoDem à l’Assemblée nationale, se dit surprise : « J’étais en lien avec elle pour l’inscription de ma proposition de loi parité au Sénat il y a seulement deux jours », déclare-t-elle, sans comprendre son départ. « Je ne saisis pas les raisons de sa sortie, mais c’est le sort des gouvernements, les ministres ne bénéficient d’aucune garantie », renchérit Laurence Rossignol, vice-présidente socialiste du Sénat, ancienne ministre des droits des femmes sous François Hollande, et signataire de la tribune.
Elle poursuit : « Isabelle Rome, ce n’est pas une ‘snipeuse’, mais elle était déterminée et avait réussi à bâtir des liens solides avec les associations. Le fait qu’elle soit magistrate était aussi un avantage, car de nombreuses questions se posent dans le contexte de la justice… »
« Ce qui me dérange surtout, c’est le turn-over. Changer de ministre chaque année entraîne inévitablement un retour en arrière sur les dossiers », déplore Anne-Cécile Sarfati, présidente de la société de conseil Actually, signataire de la tribune. « Je ne doute pas de la volonté sincère du président et du gouvernement sur la question, mais cette manière de faire n’est pas cohérente. »
« C’est une politique publique qui a besoin de stabilité. Le fait d’avoir des ministres qui ne peuvent pas s’impliquer pleinement dans leurs dossiers est regrettable », souligne Yseline Fourtic-Dutarde, co-présidente du collectif Ensemble contre le sexisme. Elle loue en Isabelle Rome une ministre « à l’écoute, efficace, engagée et totalement dévouée à ces problématiques ».
Une ministre jugée peu présente dans les médias
Elles insistent cependant toutes trois : elles n’ont aucune animosité contre la nouvelle ministre, Bérangère Couillard, qui « a une légitimité et n’est pas une débutante sur ces questions », d’après Anne-Cécile Sarfati. L’ancienne secrétaire d’Etat à l’Ecologie, membre du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, a été la rapporteuse de la loi de protection des victimes de violences conjugales.
Cependant, les raisons du départ d’Isabelle Rome restent plutôt énigmatiques à première vue. Selon une source proche du pouvoir, cela pourrait être dû à son manque de visibilité. Pour être plus clair, la ministre n’était pas assez présente dans les médias, et donc peu connue du public.
Une source proche de l’exécutif explique : « Isabelle Rome n’a pas réussi à rendre assez visible la grande cause du quinquennat, malgré d’importants moyens à sa disposition. »
Ces explications semblent être en contradiction avec une déclaration récente du président de la République. « Être ministre, ce n’est pas simplement se montrer à la télévision, mais plutôt mettre en place des actions concrètes », a déclaré Emmanuel Macron vendredi dernier, lors d’une introduction filmée au premier Conseil des ministres après le remaniement.
Dans les couloirs du ministère, il est également fait mention d’un autre incident : un accrochage entre Isabelle Rome et Marlène Schiappa. Cette dernière, ancienne secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes de mai 2027 à juillet 2020, avait causé la surprise en posant dans le magazine Playboy en avril dernier, en pleine crise des retraites. Isabelle Rome avait alors vivement critiqué sa prédécesseure dans une interview au Figaro. « Je me demande : pourquoi avoir choisi Playboy pour promouvoir les droits des femmes alors que ce magazine propage tous les stéréotypes sexistes ? Nous sommes en plein dans le concept de la femme-objet », avait-elle alors déclaré.
« On dit qu’elle manquait de charisme et d’aptitude politique »
Des propos qui n’auraient pas été bien accueillis, selon un conseiller ministériel. « Elle intervient après la Première ministre, ce qui ne se fait pas, sans la prévenir et critique un autre membre du gouvernement ». Elisabeth Borne avait effectivement recadré Marlène Schiappa, en jugeant que sa présence dans le magazine n’était pas appropriée.
Parmi les parlementaires de la majorité, le départ d’Isabelle Rome suscite des interrogations. « Je suis surpris et je trouve cette situation regrettable. On dit qu’elle manquait de charisme et d’aptitude politique, mais le charisme c’est aussi obtenir des résultats et se faire apprécier par son entourage », affirme Erwan Balanant, député du MoDem. « Franchement, je ne comprends pas ce départ », renchérit un député Renaissance. « Je pense que d’autres auraient dû partir avant elle. »
Selon son entourage, Isabelle Rome est « restée engagée jusqu’à la dernière minute ». En plus de l’appui des associations, elle a « reçu des soutiens des collègues ministres, et des personnalités importantes de la macronie se sont mobilisées en coulisses », affirme cette même source. « Certains se battent, c’est vraiment admirable », félicite un conseiller ministériel. L’ancienne ministre a confié lors de sa passation de pouvoir avec Bérangère Couillard qu’elle quittait son ministère « le cœur lourd ».