Vendredi, à minuit précise (07H00 GMT), les comédiens américains ont formellement débuté une grève, se ralliant ainsi aux auteurs dans une manifestation sociale bicéphale. Dominic Burgess, un acteur britannique qui exerce son métier à Hollywood depuis une décennie et demie, observe une régression de ses émoluments, alors que ses performances restent identiques. Cette situation est illustrée par son récit.
A l’âge de 40 ans, Dominic Burgess vit dans un monde loin des éclats et de la glamour d’Hollywood. La grève historique des acteurs qui a commencé jeudi est d’une importance capitale pour cet acteur dont les revenus ont chuté au cours des dix dernières années.
Ce Britannique a joué dans des séries populaires comme Modern Family, Star Trek : Picard et Dahmer : Monstre – L’histoire de Jeffrey Dahmer, une série récemment nominée aux Emmy Awards, l’équivalent télévision des Oscars.
Cependant, malgré 15 ans de carrière aux États-Unis, sa vie quotidienne est très éloignée de celle des célébrités qui font les gros titres des tabloïds. Pour Dominic Burgess, « 99 % des acteurs » passent leurs journées « sur le terrain, à passer des auditions, à se faire concurrence et à se battre pour obtenir une place dans les casting « . Cela signifie souvent qu’il faut prendre un emploi à temps partiel.
Au cours de ses six premières années à Los Angeles, Dominic Burgess a travaillé à mi-temps dans un petit cinéma pour 7,75 dollars de l’heure pour compléter son maigre revenu d’acteur.
Aujourd’hui, il soutient totalement la grève lancée par son syndicat, la guilde SAG-AFTRA, qui représente 160.000 acteurs et autres professionnels du cinéma et de la télévision aux États-Unis. « Nous voulons tous travailler, mais à quel coût, lorsque le salaire et les revenus résiduels ne sont plus viables pour les acteurs ? » « Je dois pouvoir payer mon loyer et l’insuline pour mon chat », déclare l’acteur.
« Je suis moins rémunéré pour mes services qu’il y a dix ans »
La majorité des acteurs ont deux sources de revenus : leurs cachets pour chaque série ou film, et les fameux revenus « résiduels », qui sont actuellement au centre des négociations avec les employeurs. Ces revenus sont versés à chaque fois qu’une œuvre est rediffusée, et ils sont particulièrement faibles pour une diffusion sur une plateforme de streaming.
Malgré une carrière qui lui permet désormais « de subvenir à ses besoins grâce à son métier d’acteur », Dominic Burgess a vu toutes ses rémunérations, quelles qu’elles soient, diminuer avec le temps. Les studios et les chaînes de télévision ont tendance à appliquer des restrictions budgétaires de plus en plus strictes.
Il se voit souvent proposé « le strict minimum » stipulé par le syndicat. Pour lui, cette tendance est particulièrement marquée chez les plateformes de streaming. « J’ai travaillé cette année pour une entreprise pour laquelle j’ai travaillé en 2012, et je suis moins bien rémunéré pour mes services maintenant qu’il y a dix ans », témoigne l’acteur.
« Insupportable »
Le salaire minimal syndical peut sembler élevé : un acteur de télévision doit être payé au moins 1 082 dollars par jour sur un tournage. Mais entre l’agent, les frais juridiques et les impôts, la moitié de cette somme est rapidement absorbée, prévient Dominic Burgess.
Et les producteurs peuvent demander à un acteur payé pour une ou deux journées de rester disponible pendant plusieurs semaines, en raison de l’incertitude du calendrier de tournage. « C’est assez courant », affirme-t-il. « Ces 500 dollars doivent alors durer huit jours, 16 jours ou 21 jours si c’est une série de prestige. C’est insupportable. »
Les studios et les plateformes ont de plus en plus recours à d’autres mesures de réduction des coûts, comme le fait de rétrograder les acteurs en termes de catégorie d’embauche officielle (comme « series regular », « recurring guest star », etc.) afin de les payer moins cher.
Compétition féroce
L’acteur ne s’attendait pas à cette situation lorsqu’il est arrivé aux États-Unis il y a 16 ans. Travailler à Los Angeles a toujours été son objectif, car il a grandi en regardant des séries comme X-Files, Buffy, Twin Peaks et Star Trek. « Ce sont les séries que j’aimais, et c’est donc vers elles que je me suis tourné », dit-il.
Lorsqu’il est arrivé des États-Unis, Hollywood était en plein milieu de la dernière grève des scénaristes, qui a duré 100 jours en 2007-2008. « À cette époque, les directeurs de casting rencontraient les acteurs en personne. J’ai rencontré plus de directeurs de casting en trois semaines à Los Angeles qu’en trois ans à Londres », se souvient-il.
Mais depuis la pandémie, la plupart des auditions sont « auto-enregistrées » : les acteurs doivent se filmer eux-mêmes, souvent sans même savoir si leur performance sera visionnée.
Dominic Burgess n’imagine pas faire autre chose. « Nous sommes des artistes, des acteurs, des auteurs et des créateurs, et je pense que certains en profitent parfois – les studios savent que nous aimons ce que nous faisons », dit-il.
Mais face à une compétition féroce, que peut-on faire d’autre ? Refuser une production qui offre le salaire minimum, c’est risquer de laisser la place à 450 acteurs qui diront : « Oui, je le fais ».