L’œuvre « Persepolis » de la cinéaste Marjane Satrapi, d’origine franco-iranienne, est de retour dans les cinémas dès ce mercredi. Elle associe son film à l’actuelle vague de protestation qui secoue son pays natal, tout en rendant hommage à la « culture démocratique » qui se manifeste au sein de la nouvelle génération iranienne.
Marjane Satrapi, qui aime se décrire comme une personne qui opte pour le silence pour parler avec plus de force en temps opportun, place aujourd’hui beaucoup d’espoirs dans son pays d’origine. Face aux manifestations qui émergent en Iran suite à la mort de Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne, détenue par la police des mœurs pour avoir contrevenu au code vestimentaire strict imposé aux femmes, elle considère cette agitation en septembre 2022 comme une promesse.
Elle distingue un changement dans le comportement du peuple, par rapport à sa génération, mais aussi celle de ses parents qui ont subi les traumatismes de la révolution et de la guerre.
« La culture démocratique, un héritage qui n’existait pas pour ma génération »
Marjane Satrapi entretient régulièrement des liens avec la jeunesse iranienne, et considère que la démocratie est avant tout une culture, une culture qui n’existait pas pour sa génération mais qui fait maintenant partie intégrante de la nouvelle génération. Cette nouvelle génération qui a grandi avec Internet a ouvert des portes vers le monde entier, vers des conversations avec des personnes de leur âge et vers les préoccupations actuelles.
Dans le film Persepolis, Marjane Satrapi raconte son histoire personnelle, fait découvrir la répression sous le régime du Shah et dépeint les arrestations et les exécutions qui ont suivi la Révolution islamique initiée par l’ayatollah Khomeiny. À peine adolescente, elle est forcée de quitter son pays, initialement pour l’Autriche, puis la France.
« Il était nécessaire que naisse une nouvelle génération qui a grandi à l’époque de ces dirigeants, pour pouvoir faire face sans les traumatismes que nous avons connus. Ce sont eux qui peuvent faire bouger les lignes, parce qu’ils ne les craignent pas, ils ont grandi avec eux ». Prévoit-elle une transformation rapide ? Il faut du temps, prévient-elle. « Un régime en place depuis 44 ans ne s’effondre pas en dix mois, surtout quand il est violent. Mais ça viendra, j’en suis sûre », confie la cinéaste.
Envisage-t-elle un film sur l’Iran ?
Près de 30 ans après avoir quitté son pays, Marjane Satrapi déclare qu’elle a su assimiler à la fois des aspects « très français » et « très iraniens » et qu’elle a réussi à les concilier « avec le temps ». Elle a trouvé son « mode d’emploi » : « Je suis totalement contre le communautarisme, je le déteste. Globalement, j’ai deux amis iraniens ».
La réalisatrice ne veut pas s’apitoyer. « J’habite à Paris, je suis libre de faire tout ce que je veux. Se plaindre dans de telles conditions serait déplacé », insiste-t-elle.
Est-ce qu’elle envisage de faire un film sur son pays d’origine ? Marjane Satrapi ne l’écarte pas mais pas tout de suite. « Les idées ont besoin de temps pour mûrir », souligne-t-elle, citant un premier projet de Persepolis qui a fini par être mis de côté. Au départ, elle le trouvait « fantastique ». Cependant, en le relisant quelques mois plus tard, elle a réalisé qu’il était « imprégné de haine et de colère ». « Je ressemblais aux personnes contre qui je me battais, je pensais juste être du bon côté. Ma rhétorique, ma manière de penser, ce qui m’animait, c’était la haine et la haine n’est jamais une bonne motivation », conclut-elle.