Les représentants parlementaires sont en train d’examiner une proposition de loi bipartisanne qui a pour objectif de « préserver l’indépendance éditoriale des médias sollicitant des subventions de l’État ». Ce projet de loi trouve son origine dans le conflit toujours en cours qui oppose la rédaction du Journal du Dimanche à la nomination d’un nouveau directeur, un poste que celle-ci rejette.
L’objectif est clair : éviter une répétition de la situation conflictuelle au sein de la rédaction du Journal du Dimanche (JDD), c’est l’essence de la proposition de loi visant à « sauvegarder l’indépendance éditoriale des médias sollicitant des subventions étatiques », qui était en principe déposée mercredi 19 juillet. Ce dépôt intervient alors que la rédaction du JDD, frappée par une grève engagée le 22 juin dernier, continue de protester contre la nomination controversée du nouveau directeur de l’hebdomadaire, Geoffroy Lejeune, un journaliste considéré comme d’extrême droite et autrefois à la tête de Valeurs Actuelles.
La Société des journalistes a annoncé avoir obtenu 98% de votes favorables à la prolongation de la grève lors d’un scrutin organisé au sein de la rédaction. En conséquence, mercredi, les grévistes ont choisi de manifester à l’extérieur du palais de l’Assemblée nationale, espérant faire entendre leur désaccord et faire prendre conscience aux députés de l’importance de leur lutte contre l’intronisation de Geoffroy Lejeune.
Un « droit de consentement » en faveur des journalistes
La formule de ce texte législatif émane de 15 députés provenant de presque toutes les formations politiques, à l’exception notable des Républicains et du Rassemblement national. Le but de cette loi, que nous avons eu l’occasion de consulter, est de lier l’octroi des subventions gouvernementales à la presse, directes ou indirectes, à l’instauration d’un « droit de consentement » des journalistes sur la nomination de leur directeur ou directrice de rédaction. En d’autres termes, « pour bénéficier de ces aides financières publiques, toute nomination à la direction de la rédaction devra être approuvée par un vote de la rédaction ».
Il convient de noter que cette loi ne se limite pas aux journaux et aux sites web d’information. Les médias de radiodiffusion sont également inclus. Par exemple, « l’attribution d’une fréquence de radiodiffusion publique aux entreprises éditrices des programmes comprenant des émissions d’information politique et générale » sera aussi liée à ce « droit de consentement ».
« La proposition de loi attribue aux journalistes le droit de refuser une nomination lorsque le travail précédent de la personne proposée prouve son manque d’indépendance », explique Sophie Taillé-Polian, vice-présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale et à la tête de cette initiative. Dans la pratique, cela signifierait donner aux journalistes « le pouvoir de refuser une personne dont le travail passé prouve son manque d’indépendance, ou qui est clairement en faveur d’un candidat à l’élection présidentielle ou d’un parti politique, comme c’est manifestement le cas au JDD », déclare-t-elle, faisant allusion au soutien de Geoffroy Lejeune, ancien directeur de l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, à Éric Zemmour.
Sophie Taillé-Polian « assez optimiste » sur la future adoption du texte
Ce texte doit encore être inscrit à l’agenda de l’Assemblée nationale. Pour la députée du Val-de-Marne, atteindre cet objectif serait déjà une victoire, compte tenu de l’emploi du temps « surchargé » du Parlement. Mais il y a « urgence ». « Nous avons assisté à plusieurs reprises, dans diverses rédactions et grands médias, à l’émergence de ce genre de difficultés majeures. Il est temps que cela s’arrête », insiste-t-elle. Les signataires du texte font notamment référence au limogeage controversé de Nicolas Barré, directeur de la rédaction des Échos, survenu en mars dernier.
À partir du moment où cet objectif sera « atteint », Sophie Taillé-Polian se dit « assez optimiste quant à la capacité d’adoption de cette proposition de loi » à l’Assemblée nationale, compte tenu de son aspect transpartisan. Elle espère que le texte sera examiné durant le dernier trimestre de cette année. Après cela, l’approbation du Sénat, qui est susceptible de rester dominé par la droite après les élections sénatoriales, sera nécessaire. La députée écologiste ne s’avance pas sur l’appui potentiel des sénateurs : « Nous n’en sommes pas encore là », tempère l’élue.