L’ancien ministre délégué responsable des Comptes publics arrive pour remplacer Pap Ndiaye, et ce, à peine deux mois avant le début de l’année scolaire.
La récente désignation de Gabriel Attal au poste de Ministre de l’Éducation nationale, en remplacement de Pap Ndiaye, fut accueillie avec peu de surprise. En effet, cette nomination officielle a été annoncée jeudi 20 juillet, durant le réajustement du cabinet d’Elisabeth Borne.
Agé de 34 ans, Gabriel Attal était jusqu’à présent le ministre délégué en charge des Comptes publics et jouit d’une excellente réputation parmi les partisans d’Emmanuel Macron. Il avait en effet rallié la cause du jeune président dès le départ, faisant campagne pour lui lors de l’élection présidentielle de 2017. Élu député des Hauts-de-Seine cette même année, et réélu cinq ans plus tard, il avait rapidement quitté son mandat pour rejoindre le gouvernement.
En tant que porte-parole du gouvernement de Jean Castex durant la crise du Covid-19, et ayant navigué dans les eaux tumultueuses de la réforme des retraites, il n’est pas étranger aux défis. Il se trouve désormais face à une nouvelle mission de taille : rétablir la confiance avec les syndicats enseignants, qui a été sérieusement ébranlée tout au long de ce second mandat par l’annonce du pacte enseignant.
« On prévoit un ministre très présent »
Pour surmonter ce défi, Gabriel Attal va devoir faire preuve d’ouverture à l’égard de la profession et s’imposer rue de Grenelle. C’est là que Jean-Michel Blanquer a suscité l’ire des enseignants et où Pap Ndiaye n’a pas réussi à faire sa place. Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, se demande : « Va-t-il accompagner la dégradation de l’éducation ou aura-t-il la stature politique pour orienter différemment les choses face à Emmanuel Macron ? ». Du côté du syndicat SE-Unsa, on a davantage confiance en cette seconde hypothèse. « Puisqu’il a l’oreille du président, il pourra peut-être lui faire comprendre que certains choix ne sont pas les meilleurs », espère son secrétaire national Jérôme Fournier. Cependant, Fatna Seghrouchni, co-secrétaire fédérale de Sud-Education, est persuadée que le nouveau ministre « mettra en œuvre exactement ce que lui demandera Emmanuel Macron ».
Ayant déjà occupé un poste au sein du ministère de l’Éducation nationale entre 2018 et 2020, Gabriel Attal, anciennement député des Hauts-de-Seine, revient sur ce terrain qui lui rappellera probablement quelques défis passés. « On va retrouver le ton et le style Blanquer après une pause d’un an », craint Fatna Seghrouchni. « On prévoit un ministre très présent, voulant tout contrôler, à l’image de l’ancien ministre », renchérit Guislaine David, co-secrétaire générale du Snuipp-FSU.
Durant son mandat sous Blanquer, Gabriel Attal a également lancé, en 2019, le Service national universel (SNU). Ce projet controversé, cher à Emmanuel Macron, devrait franchir une nouvelle étape en mars 2024. Il sera intégré au temps scolaire, avec un stage de 12 jours pour les lycéens de seconde volontaires. Cette initiative a été critiquée par la communauté éducative depuis sa création. Suite aux émeutes qui ont éclaté après la mort de Nahel lors d’un contrôle de police à Nanterre (Hauts-de-Seine) en juin, Gabriel Attal n’a pas hésité à défendre à nouveau le SNU. « C’est précisément la réaffirmation de l’autorité de l’Etat, la formation aux droits et devoirs dès le plus jeune âge et le respect des représentants de l’Etat », a-t-il déclaré dans une interview au Figaro.
Un « virage radical » à l’approche de la rentrée
À l’opposé de Pap Ndiaye, historien sans expérience politique, le choix s’est porté sur un profil plus traditionnel, avec l’arrivée d’un politique chevronné. Pour Guislaine David, sa nomination représente un « virage radical de personnage ». « Pap Ndiaye avait de grands principes, même s’il n’était pas très au fait des questions de l’Education nationale », estime cette porte-parole syndicale. « C’est la fin du mandat d’un ministre qui n’a pas su, ou pas pu, peser comme il l’aurait fallu », note Sophie Vénétitay. Néanmoins, il semble avoir respecté un « engagement clair » sur les questions LGBT+, de racisme et de harcèlement scolaire, ce dont Fatna Seghrouchni craint l’absence chez Gabriel Attal. « Malgré nos divergences sur les conditions de travail, Pap Ndiaye a apporté un véritable élan », admet-elle.
La rentrée scolaire, qui aura lieu le 4 septembre, laisse à Gabriel Attal seulement 45 jours pour se préparer à sa nouvelle mission. « Les préparatifs de la rentrée sont comme une fusée qui décolle, il y a une multitude de choses à préparer », précisait il y a trois semaines à franceinfo le cabinet de Pap Ndiaye. Un changement de ministre à moins de deux mois de cette échéance, « ce n’est pas le meilleur signal dans le calendrier, car il prend son poste pendant les vacances », estime Jérôme Fournier. « L’administration va ralentir pendant la première quinzaine d’août. Donc, ce qui se passera en septembre sera ce que le ministre actuel aura préparé », redoute le secrétaire national du SE-Unsa, ajoutant qu’en général, « une rentrée se prépare de janvier à juin ». La circulaire de rentrée, qui établit les objectifs de l’année scolaire à venir, a d’ailleurs déjà été publiée début juillet.