Suite à d’intenses tractations en interne, l’administration a procédé à une série de modifications au sein du gouvernement. Aurore Bergé a été désignée ministre des Solidarités, Gabriel Attal a été nommé à la tête de l’Education nationale et Aurélien Rousseau s’est vu confier le portefeuille de la Santé.
Un conseiller ministériel ressent une impatience tangible, le jeudi 20 juillet au matin. « Quand publieront-ils enfin ce communiqué de presse ? ». Dans les corridors de pouvoir et les bureaux de presse, l’interminable attente de l’annonce du nouveau gouvernement a été une cause de tension en cette période estivale. Finalement, la liste des noms des politiciens – ceux qui restent en place et ceux qui font leur entrée – est dévoilée. L’annonce du maintien d’Elisabeth Borne à la tête du gouvernement avait déjà laissé entendre qu’il n’y aurait pas de bouleversements majeurs. Cette supposition s’est bien confirmée avec huit départs et huit arrivées. Un conseiller ministériel explique « L’idée est de rafraîchir la composition du gouvernement afin de repartir du bon pied à la rentrée ».
D’après nos sources, l’établissement de la nouvelle liste des ministres a été particulièrement difficile. Le président de la République et sa Première ministre ont durement lutté pour arriver à un accord. Un proche du président estime que « les obstacles étaient plus internes à l’exécutif qu’influencés par des dynamiques politiques au sein de la majorité ».
« Ni différends, ni mésententes »
Pour Elisabeth Borne, l’enjeu était d’obtenir un remaniement le plus large possible pour redonner un nouvel élan à son mandat. De son côté, le président préférait se tenir à des « ajustements », selon les termes utilisés par ses proches conseillers. Certaines rumeurs disaient cependant qu’Elisabeth Borne souhaitait un remaniement plus important. Refusant ces allégations, ses conseillers assurent : « Il n’y a aucune mésentente, aucun désaccord, mais ce genre de rumeurs amuse certains ». Du côté du président, on explique : « La Première ministre a proposé des noms et ils ont travaillé ensemble, prenant en compte chaque ministère et évaluant si les objectifs de 2022 avaient été atteints ».
Le jeudi matin, l’établissement définitif de la composition du gouvernement tarde encore. Jean-René Cazeneuve, pressenti pour prendre la place de Gabriel Attal aux Comptes publics, est contraint de se retirer. Sa remplaçante, Véronique Thieux Louit, refuse de prendre la relève et la majorité ne peut pas risquer de perdre une élection partielle. C’est finalement le député Thomas Cazenave qui se voit attribuer le ministère.
« Des révélations au compte-gouttes »
Au milieu de l’après-midi, les médias commencent à diffuser les noms des nouveaux ministres. « C’est très étrange cette manière de communiquer », confie le politologue Bruno Cautrès, qui se demande si cette stratégie n’est pas destinée à mettre en avant les nouveaux ministres les plus importants. « Depuis ce dîner singulier à l’Elysée jusqu’à ces révélations au compte-gouttes, sans aucune annonce officielle, c’est une séquence bizarre que nous vivons », note le chercheur du CNRS et du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).
En fin de compte, environ un quart du gouvernement est remanié, avec une dizaine de changements dans l’équipe. Le remaniement est plus important que prévu initialement, suite notamment au remplacement de Pap Ndiaye par Gabriel Attal à l’Education nationale et de François Braun par Aurélien Rousseau à la Santé, deux des trois priorités annoncées par Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle.
« Pas de gros coup de dé »
Les départs de Pap Ndiaye et de François Braun, ainsi que celui de Jean-Christophe Combe (remplacé au ministère des Solidarités par Aurore Bergé), révèlent les défis auxquels sont confrontés les ministres issus de la société civile. Bruno Cautrès, politologue, déclare « Ces individus ont été propulsés trop rapidement sur la scène politique et ont eu beaucoup de mal à trouver leurs marques au sein de la haute administration ».
Divers sources indiquent qu’un virage plus politique a été exigé par beaucoup, en raison d’une majorité relative. Cela s’est traduit par l’arrivée de plusieurs personnalités politiquement expérimentées. Pas de grands changements donc, et le gouvernement semble suivre la ligne directrice de continuité.« Aucune variation majeure dans la direction politique de ce gouvernement, les principaux ministres régaliens sont maintenus, c’est une équipe restreinte fidèle à Emmanuel Macron », observe Bruno Cautrès.
Les alliés de la majorité (MoDem, Horizons) maintiennent leurs positions. Aucune nouvelle recrue n’est issue des Républicains. « Nous n’avions jamais imaginé qu’il y aurait du débauchage cette fois-ci », commente le sénateur LR Bruno Retailleau. Le seul élargissement notable est l’arrivée de Patrice Vergriete, ancien maire de Dunkerque, au ministère du Logement. C’est bien en deçà des attentes pour un président qui a toujours privilégié le dépassement politique depuis son arrivée à l’Elysée en 2017. Bruno Cautrès conclut« Il n’y a pas eu de gros coup de dé qui aurait conduit à la formation d’une nouvelle coalition politique. Le problème de l’absence de majorité absolue reste donc entier ».