Sur le seuil de l’imaginaire, le premier long-métrage d’Aritz Moreno se manifeste comme une intersection entre l’oeuvre de Luis Buñuel et le cinéma de courts-métrages des années 70.
Dans son premier film, Aritz Moreno choisit un chemin audacieux, explorant les mondes cauchemardesques créés par les obsessions de ses personnages. Intitulé « Les avantages de voyager en train », le film, à l’affiche le mercredi 9 août, revisite le surréalisme de Buñuel dans un format rappelant les films fantastiques à épisodes produits par les studios britanniques des années 70. Un mélange intrigant et explosif.
Poupée russe cinématographique
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Après avoir placé son mari dans un hôpital psychiatrique, Helga, une éditrice, rencontre le Dr Angel Sanagustín dans le train. Celui-ci lui révèle les névroses les plus dérangeantes, scandaleuses, et obsessionnelles de ses patients. Cette révélation bouleverse Helga, l’amenant à se confronter à ses propres démons, quitte à déchaîner des forces incontrôlables.
Aritz Moreno s’inspire du roman d’Antonio Orejudo Utrilla, « De l’avantage de voyager en train », pour entremêler plusieurs histoires qui s’enchevêtrent comme des poupées russes. Bien que le livre était réputé pour être difficile à adapter, l’équilibre qu’il trouve entre réalité psychologique et fiction fantasmatique rappelle les films de Luis Buñuel. Avec sa structure en trois parties, ponctuée de nombreuses digressions, l’œuvre rappelle les films à épisodes, à l’instar de ceux des studios britanniques Tyburn (Le Train des épouvantes) et Amicus (Asylum) de la décennie 70, reconnus pour leur touche fantastique, une caractéristique que l’on retrouve dans « Les avantages de voyager en train ».
« Antihumanisme »
On y découvre un scandale de traite d’enfants, une dystopie sur les déchets, une hallucination zoophile et coprophage… Aritz Moreno superpose ces différents récits dans une structure baroque vertigineuse dont le sens échappe tout en restant clair, soulignant la qualité de l’écriture et de la mise en scène, soutenues par des acteurs de renom qui accomplissent un travail magistral malgré la difficulté de leurs rôles. Avec son humour noir corrosif, « Les avantages de voyager en train » reflète « l’antihumanisme » évoqué par Antonio Orejudo Utrilla dans son roman, exposant notre humanité hantée par des forces obscures, prêtes à surgir et prendre le dessus à tout moment. Le côté décalé du film et son humour, ainsi que la finesse de sa réalisation, font passer la pilule.
Il n’est pas rare d’être mal à l’aise à certains moments, et c’est en soi une bonne chose, surtout au cinéma où une telle sensation est trop rare. C’est un signe que le film, son message, soulève des questions. « Les avantages de voyager en train » pourrait passer pour l’antithèse du film qui donne le sourire. Mais il s’avère que c’est tout le contraire, tant le spectateur est fasciné et captivé par tant de qualités cinématographiques et de transgressions regroupées en un seul film, qui mérite le titre de révélation de l’été. Il est temps de prendre le train.
L’affiche de « Les Avantages de voyager en train » d’Aritz Moreno (2023). (DAMNED DISTRIBUTION)
Détails du film
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Aritz Moreno
Acteurs : Luis Tosar, Pilar Castro, Ernesto Alterio, Quim Gutiérrez, Belen Cuesta, Macarena Garcia, Javier Godino
Pays : Espagne / France
Sortie : 9 août 2023
Distributeur : Damned Distribution
Résumé de l’intrigue : Après avoir fait interner son mari dans un institut psychiatrique, Helga, une éditrice de Madrid, fait la connaissance du Dr Angel Sanagustín dans le train du retour. Celui-ci lui raconte ses expériences les plus troublantes, grotesques et obsédantes. Cette rencontre bouleverse Helga et l’oblige à une introspection profonde. Voilà quelques-uns des avantages de voyager en train.