Lors du second jour de cet événement compétitif, le festival renoue avec ses fondements essentiels : se positionner comme le reflet authentique de la société états-unienne, tout en exposant ses divisions et contrastes, loin de l’image souvent séduisante diffusée par les grands studios de Hollywood.
Les deux films présentés à Deauville font ressortir une vision plutôt sombre des États-Unis. Que ce soit la radicalisation et le conspirationnisme dans La Douce ExtrêmeOrient de Sean Price Williams, ou le commerce illicite de narcotiques par les cartels dans Sang pour Poussière de Rod Blackhurst, ces longs-métrages du cinéma indépendant dépeignent une Amérique en crise.
Les théories du complot à l’honneur
L’histoire de La Douce Extrême-Orient s’ouvre sur l’atmosphère légère et heureuse de la vie adolescente de Lilian, une étudiante charmante dans le domaine de la poésie. Cependant, alors qu’elle est en voyage scolaire, elle disparait mystérieusement. S’agit-il d’un enlèvement ou d’une simple fugue ? La caméra de S. P. Williams la suit sans relâche à travers une aventure qui tourne au cauchemar. Et au burlesque. Elle croise des suprémacistes et des théoriciens du complot qui tentent de l’endoctriner. Évoquons également une rencontre avec des islamistes et des religieux fanatiques.
Maintenant bien déterminée et naïve, Lilian réussit à tromper ses adversaires et continue son parcours. Le réalisateur fait un tir de barrage en critiquant vigoureusement tous les militants que Lilian rencontre. De plus, les artistes libéraux de gauche, symboles du wokisme, ne sont pas laissés pour compte.
La satire décalée s’étend même au monde du cinéma indépendant de New York avec une scène d’humour noir, un massacre délirant, qui est un véritable plaisir. Une scène qui, de l’aveu même du réalisateur, a été difficile à filmer.
La solution : les armes en plastique
À la suite de l’incident où l’acteur Alec Baldwin a accidentellement tiré à balles réelles sur le plateau du film Rust, causant la mort de la directrice de la photographie, toutes les armes à feu ont été proscrites des plateaux. Les armes en plastique, bien qu’incomparables à des vraies, ont été utilisées pour une scène parodique qui se révèle être la plus amusante du film.
Le réalisateur brosse le tableau d’une jeunesse désillusionnée, mais son utilisation de scènes débridées et loufoques dilue quelque peu son message. Selon lui, sa protagoniste Lilian est un « Alice au pays des merveilles » moderne, ce qui semble être confirmé par les spectateurs dans la salle. Talya Ridera, sa brillante actrice à la voix douce et au visage éclatant, rend cet errance parmi les « dingues » presque attachante.
Une série de tueries pour du sang contre de la cocaïne
Plus traditionnel dans sa réalisation, Sang pour Poussière de Rod Blackhurst est un thriller sombre sur le trafic de drogue. Le film raconte la spirale descendante de Chris, un marchand itinérant noyé sous les dettes, qui finit par s’associer à un ancien ami, le trafiquant d’armes Rick.
Le malheureux Chris, dans sa naïveté, accepte d’utiliser son véhicule pour transporter de la drogue et des armes à feu pour le compte d’un chef de cartel américain. Comme on peut s’y attendre, ces livraisons vont connaitre quelques complications. Tromperies, conspirations, trahisons, et tueries pour garder le butin sont au programme. Si l’intrigue peut paraître familière, les superbes paysages enneigés du Montana lui confèrent une toute autre dimension.
Les paysages immaculés, rappelant la cocaïne, sont magnifiques et l’œil subtil du réalisateur réussit à faire oublier les flots de sang déversés. Les teintes de blanc, de noir et de rouge sang sont les couleurs de l’horreur propre à ce thriller extrêmement bien orchestré qui a séduit les festivaliers.