Chaque semaine, Clément Viktorovitch propose une analyse des discussions et des challenges politiques. Le dimanche 3 septembre, il a abordé le sujet du « préférendum », une idée qui pourrait s’intégrer aux « actions politiques de grande envergure » prônées par le chef de l’Etat.
« Référendum » : un concept de retour après les vacances ?
Le terme « référendum » semble être le mot clé de cette rentrée. C’est en tout cas l’idée évoquée par Olivier Véran, le ministre en charge du Renouveau démocratique et porte-parole du gouvernement. La proposition est de mettre en place un référendum comportant plusieurs questions en une seule fois, permettant aux citoyens français de sélectionner les réformes qu’ils aimeraient voir réaliser. Cela introduit une nouvelle méthode qui permet aux citoyens de se positionner sur des sujets variés, au lieu de simplement choisir « pour ou contre le président de la République », une critique souvent formulée à propos des référendums.
L’idée d’une procédure de ce type serait-elle concrète ? Pour l’heure, ce genre d’initiative n’a jamais été prise, donc il est difficile de donner une réponse catégorique. Sur le plan juridique, rien ne s’oppose a priori à la possibilité de proposer plusieurs référendums au peuple sur une même journée. La question est maintenant de savoir si, politiquement, une telle démarche serait utile. Effectivement, demander aux people d’exprimer leur opinion sur une multitude de sujets en même temps peut donner l’impression de réaliser un sondage d’opinion. Or, l’objectif d’un référendum est justement de produire un résultat différent de celui d’un sondage.
En réalité, qu’est-ce qu’un sondage d’opinion ? C’est une série de questions sur lesquelles, la plupart du temps, nous n’avons pas eu la possibilité de nous informer, auxquelles nous n’avons parfois pas réellement pensé et, dans le pire des cas, que nous n’avions jamais envisagées mais auxquelles nous consentons à répondre ! Le résultat est, au mieux, une vision générale des opinions préformées des individus, au pire, un enregistrement de leurs préjugés. C’est ce que de nombreuses recherches en sociologie politique, comme celles de Pierre Bourdieu, Alain Garrigou ou Loïc Blondiaux, ont démontré.
Dans le cadre d’un référendum, le vote est précédé d’un véritable débat national. Les citoyens français échangent entre eux, en famille ou entre amis. Ils ont le temps de s’informer, de se documenter, de débattre, de sorte qu’au moment de voter, on recueille des jugements, non plus des opinions.
Danger pour « la sincérité et la clarté du scrutin » ?
Auront-nous, en tant que citoyens, le temps et l’énergie nécessaires pour mener correctement une telle opération concernant une multitude de réformes ? Rappelons-nous la multiplication des débats qui ont précédé la campagne pour ou contre le Traité constitutionnel européen : pourrons-nous vraiment reproduire ce niveau d’engagement pour trois, cinq ou dix questions posées en même temps ? La réponse, si nous sommes honnêtes, est probablement négative.
Dans un tel scénario, ce référendum ne serait pas une innovation démocratique, mais bien une boîte de Pandore : il nous plongerait carrément dans la diplomatique. Le gouvernement des opinions, plutôt que le pouvoir du jugement populaire. C’est d’ailleurs pour cette raison juridique que le Conseil constitutionnel pourrait potentiellement se prononcer contre une telle pratique : il pourrait juger qu’elle n’est pas à même de garantir « la sincérité et la clarté du scrutin ».
Nous pourrions envisager de consulter les Français, mais sans que le vote ne soit décisif, simplement pour connaître leurs priorités. Olivier Véran l’a suggéré : il ne l’a pas appelé « référendum », mais « pré-référendum » – à vous de faire la différence. Le souci avec une telle démarche, c’est que les citoyens n’ont aucune assurance que leur volonté sera respectée.
Si nous faisons le bilan des « innovations démocratiques » initiées jusqu’ici par le président de la République, que voyons-nous ? Le Grand Débat National ? Emmanuel Macron a clairement revendiqué son refus de répondre à certaines demandes pourtant largement soutenues par la population. La Convention Citoyenne pour le Climat ? Les participants ont eux-mêmes estimé que leurs idées ont été diluées. Le Collectif Citoyen sur la Vaccination ? Il n’a eu aucun effet sur la politique vaccinale du Gouvernement. Le Conseil National de la Refondation ? Il n’a abouti à rien de concret. Pourquoi cela se passerait-il différemment aujourd’hui, dans le cas d’une nouvelle consultation non contraignante ? C’est, semble-t-il, une question que nous avons le droit de nous poser.