Dans sa dernière œuvre cinématographique, Robert Guédiguian rassemble autour du thème de la famille l’essence même de son art, de ses croyances et de sa dévotion.
Quatre années se sont écoulées depuis que Robert Guédiguian avait dépeint une vision sombre du monde dans « Gloria Mundi », réalisé en 2019. Le cinéaste de Marseille, d’origine arménienne, signe son retour avec « Et la fête continue ! ». Une œuvre qui parle de transmission, et qui renoue avec l’émerveillement et la foi en l’humanité, malgré les déceptions. Ce film sera accessible dans les salles de cinéma à partir du 15 novembre.
On y découvre Rosa et Antonio, une sœur et son frère d’une soixantaine d’années, ayant été élevés par un père communiste. Ils perpétuent donc à leur manière les valeurs que celui-ci leur a inculquées.
Antonio, qui travaille comme chauffeur de taxi, est un tombeur impénitent, mais également une personne serviable, prêt à porter secours à ceux qui en ont besoin, quel que soit le moment. Rosa, pour sa part, est une infirmière célibataire, travaillant à l’hôpital et qui vit seule, malgré la proximité de ses deux grands fils. Minas exerce comme médecin, s’occupant des migrants dans les centres de rétention. Sarkis est à la tête du bar arménien, considéré comme le quartier général de la communauté arménienne de Marseille, exploité de génération en génération par les hommes de sa famille. Il est épris d’Alice, une militante qui dirige une chorale et s’investit au sein d’une association pour la défense des droits des sans-abri.
L’appartement de Rosa, qui offre une vue sur le vieux port de Marseille, sert de lieu de rendez-vous pour Alice. C’est autour d’un plat de pâtes aux anchois, la recette fétiche de la famille, que toutes les présentations se font. Tous les membres du clan y sont réunis pour recevoir la jeune femme. Le seul absent est le père d’Alice, un libraire à la retraite qui a décidé de se rapprocher de sa fille, à laquelle il n’a jamais vraiment accordé d’attention, lui préférant les livres et la littérature. Bien que sa venue à Marseille ne soit pas vraiment appréciée par sa fille, il finit par se lier d’amitié avec Rosa, qui se trouve être en pleine campagne municipale, tentant d’unifier les différents partis de la gauche et les écologistes, qui sont préoccupés par la question de leur chef de file…
Le nouveau film de Robert Guédiguian, une fois de plus, met en vedette sa troupe habituelle de comédiens, parmi lesquels Ariane Ascaride et Jean-Pierre Darroussin. Son sujet principal est « la famille », celle que l’on reçoit en héritage, qui possède des racines lointaines, comme c’est le cas ici en Arménie, un pays marqué par les séquelles du génocide. La deuxième notion de famille à laquelle Guédiguian fait référence, c’est celle de Marseille, qui pour lui est le berceau des Arméniens. Enfin, il y a « la famille que l’on se crée », dont le lien de solidarité, chez Guédiguian, est symbolisé par le partage des valeurs et des engagements.
Dans ce film, le réalisateur dépeint les luttes politiques de la gauche au sein de la société marseillaise, qui sont source d’amertume pour Rosa. Face aux militants de tous bords, Henri, le père d’Alice, déclare avec résolution : « Votre tête de liste, vous l’aviez, elle vient de sortir », à l’issue d’une énième réunion. C’est finalement Rosa qui acceptera de prendre la tête de la liste.
Dans ce film, l’engagement politique est abordé avec une certaine distance, mêlant amusement et nostalgie. Le réalisateur concède avec regret que « les communistes n’existent plus ! Il en reste douze à Marseille ! », constate Rosa à l’attention de son frère. De ce constat amer, Rosa en rit, un rire qui traduit l’effondrement des valeurs, symbolisé au propre et au figuré par le drame rue d’Aubagne. « Comment survivre à l’effondrement et au vide, au sens le plus abstrait, le plus théorique… À l’effondrement de nos grands récits et au vide consécutif de nos modes de vie. Comment Homère peut nous raconter de nouvelles épopées. Sous quelles formes. », s’interroge le cinéaste.
Malgré tout, la lutte continue. Que ce soit dans la rue, les associations, l’hôpital ou l’école. « C’est la seule manière de faire de la politique », disait Antonio. « Et c’est plus nous qui pouvons le faire », ajoutait-il en guise de message aux nouvelles générations. « Le monde a besoin de toi », approuve Rosa à sa jeune collègue Laetitia. Il s’agit donc d’une filiation, faite à la fois de ce dont on hérite et d’adoptions, que ce soit en politique ou en famille, à l’image de Sarkis, désireux d’avoir une progéniture avec Alice, qui ne peut pas lui donner d’enfant.
Le réalisateur nous livre des moments de pure beauté, comme une danse nocturne sur une place entre deux amants accompagnée d’un piano, une course effrénée sur une moto avec Rosa, enfant, agrippée à son père, tous deux parcourant les bureaux de vote, ou encore ce discours de Rosa, la nuit, dans une piscine abandonnée ou dans un amphithéâtre de pierre, devant un Henri émerveillé…
« Et la fête continue ! » concentre toutes les valeurs que Robert Guédiguian défend depuis le début de sa carrière, notamment une vision particulariste du cinéma qui, pour lui, se confond avec la vie, la famille et l’engagement. « Il faut affirmer sans cesse que rien n’est fini, que tout commence », murmure Rosa devant sa fenêtre. Malgré le poids des ans, Rosa, Antonio, et Henri perpétuent le combat, l’amour, la fête, la vie… Tout continue !
Fiche du film
– Genre : Comédie dramatique
– Réalisateur : Robert Guédiguian
– Acteurs : Jean-Pierre Darroussin, Lola Naymark, Gérard Meylan, Robinson Stévenin, Grégoire Leprince-Ringuet, Alice Da Luz Gomes
– Pays : France
– Durée : 1h46
– Date de sortie : 15 novembre 2023
– Distributeur : Diaphana Distribution
Résumé : À Marseille, Rosa, femme de 60 ans, a consacré toute sa vie à sa famille et à la politique avec le même sens du sacrifice. Tous pensent qu’elle est inébranlable d’autant que Rosa est la seule qui pourrait sceller l’union de la gauche à la veille d’une échéance électorale décisive. Elle s’accommode finalement bien de tout ça, jusqu’au jour où elle tombe amoureuse d’Henri. Pour la première fois, Rosa a peur de s’engager. Confrontée à la pression de sa famille politique et à son envie de lâcher prise, la décision est difficile à prendre.