Chaque jour, Elodie Suigo reçoit une célébrité dans son univers. Ce mercredi 15 novembre 2023, c’est le metteur en scène Alexandre Arcady qui est mis à l’honneur. Au programme du jour, la sortie de son dernier film, « Le Petit Blond de la Casbah », qui est en réalité une transposition sur grand écran de son autobiographie publiée en 2003 par les éditions Plon.
Alexandre Arcady : De la douceur du cinéma français à la nostalgie de l’Algérie
Alexandre Arcady, natif de la ville d’Alger, est reconnu en tant que cinéaste de renom en France. Originaire d’une époque où l’Algérie était encore une partie intégrante du pays français, il a produit des films acclamés comme Le Coup de sirocco (1979) et Le Grand Pardon (1989), avec entre autres le célèbre Roger Hanin. Ces derniers, ayant reçu de vives éloges des spectateurs algériens et français, ont souligné l’importance de la vision qu’il avait de l’Algérie, telle qu’il l’a vécue pendant son enfance.
Alexandre Arcady et son nouveau film : Le Petit Blond de la Casbah
Le mercredi 15 novembre 2023, son nouveau chef-d’œuvre, intitulé Le Petit Blond de la Casbah, avec Marie Gillain, Françoise Fabian, Michel Boujenah, fait sa sortie en salle. Tiré de son autobiographie éponyme, qui a été publiée par les éditions Plon en 2003 et rééditée récemment en incluant une cinquantaine de nouvelles pages, ce film relate le retour à Alger d’un réalisateur en compagnie de son fils, pour la présentation de son dernier opus qui raconte son passé dans l’Algérie des années 60.
42mag.fr à Alexandre Arcady : Qu’est-ce qui vous a fait prendre autant de temps pour réaliser ce film ?
Alexandre Arcady : Dans mon film, je raconte une scène qui correspond à notre départ d’Alger. À l’âge de 13 ans, sur le bateau, ma mère s’est tournée vers nous, nous étions cinq garçons et mon père, en disant : J’ai oublié les photos dans le buffet de la cuisine. Et je réponds : Je te les ramènerai, maman. De même, le jour où j’ai enfin pu faire du cinéma, j’ai réalisé Le coup de sirocco, juste pour pouvoir lui remettre ses photos. Pour parler de l’Algérie, je me suis caché derrière les auteurs. Je ne m’étais pas encore senti prêt à révéler ma propre Algérie. Il m’a fallu du temps, sans doute avec l’arrivée de mes petits-enfants et l’envie de partager un passé insouciant, baigné de soleil et de joie, malgré la guerre.
En quoi l’Algérie a affecté votre vie personnelle ?
« Cette Algérie a eu une influence significative sur moi car je suis né et ai grandi là-bas. Je suis Algérien, je suis Africain par naissance et cela compte beaucoup pour moi. C’est une relation constante entre ce passé éblouissant et ma réalité en vivant en France depuis longtemps. »
Le film fait écho à l’époque et à l’exclusion de l’autre. La France et l’Algérie, que le général de Gaulle désignait comme « étant sœurs », sont aussi au cœur du sujet. La guerre en est toujours le contexte. Est-ce que la peur de mourir a joué un rôle majeur dans votre vie ?
La peur de mourir oui, parfois, mais aussi un sentiment d’insouciance. Je me souviens que je mangeais une glace avec des amis à la place du Gouvernement à Alger et soudain, il y a eu une fusillade. Mais ce qui nous inquiétait, ce n’était pas tant les tirs qui passaient au-dessus de nos têtes, que de ne pas renverser notre glace et de continuer à la manger. On a connu l’enfance malgré un mouvement historique qui a touché beaucoup de gens. J’en avais peur, mais pas tellement.
Vous avez montré une maturité précoce. D’où provenait cette maturité ?
Il est vrai que j’ai eu très tôt une perception du temps. C’est assez étrange d’avoir une notion du temps à l’âge de dix ans. Ces sentiments assez bizarres sont aussi liés au fait que j’ai rencontré une femme fantastique nommée Josette. Elle était ma voisine, plus âgée que moi et qui m’a tout appris. C’est elle qui m’a fait découvrir le cinéma pour la première fois, qui m’a fait écouter les premières chansons de Brassens. Elle était en quelque sorte mon mentor et elle m’a soutenu en quelque sorte, parce que ma mère avait d’autres préoccupations avec cinq garçons que de m’initier à Brassens ou de m’emmener au cinéma.
Après avoir quitté ce nid douillet où vous aviez tous vos amis en 1961, votre famille s’est réfugiée en métropole. Vous avez atterri dans la cité de Balzac de Vitry-sur-Seine. Comment avez-vous vécu ce déracinement ?
J’étais heureux de venir à Paris, car je ne connaissais de cette ville que les quelques images que l’on voyait à la télévision en noir et blanc, comme le Moulin Rouge qui tourne. Je ne savais pas qu’elle était rouge, puisque je la voyais en noir et blanc. Quelle aventure ! C’était une période difficile, aucune aide ni accompagnement de la part de quiconque, et c’était beaucoup plus difficile qu’en Algérie. Honnêtement, nous avons connu la faim à Paris. C’est étrange de me retrouver ici, à la Maison de la radio, car le premier travail de mon père a été employé à la Maison de la radio, qui venait d’ouvrir. En arrivant ici ce matin, cela m’a ramené à cette époque et je me suis dit : c’est assez troublant de parler de ce film dans ce lieu.
Vous affirmez que ce film vous a permis de comprendre qui vous étiez. Alors qui êtes-vous ?
« Je suis un citoyen vigilant car mes films ont souvent reflété la situation délicate du moment, je pense à ‘L’Union sacrée’ il y a plus de 30 ans, avec lequel j’évoquais la montée d’un islamisme radical et sanguinaire. Malheureusement nous sommes encore en plein dedans. »
Alexandre Arcadyà 42mag.fr
Je suis aussi un réalisateur accompli, car j’ai pu réaliser une multitude de films sur des sujets variés. Je suis heureux d’avoir pu produire tous ces films grâce au soutien du public. Je suis un homme comblé car j’ai de merveilleux enfants et aujourd’hui des petits-enfants exceptionnels.
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