L’annonce de la participation de Jordan Bardella et Marine Le Pen à la manifestation contre l’antisémitisme attendue ce dimanche 12 novembre suscite une gêne considérable parmi plusieurs partis politiques et figures publiques. Le passé de leur formation politique continue d’influencer leur réputation, l’antisémitisme constituant une problématique essentielle.
Après que Marine Le Pen ait déclaré qu’elle assisterait à la marche contre l’antisémitisme du dimanche 12 novembre, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a estimé que le Rassemblement National n’avait pas lieu d’être présent. Son opinion repose sur les origines et le passé du Front National.
Fondé en 1972, ce parti politique doit son existence à des anciens collaborateurs antisémites, dont certains ont même porté l’uniforme de la Waffen SS pendant la Seconde Guerre mondiale. Des personnalités controversées comme Pierre Bousquet, Victor Barthélémy, André Dufraisse, entre autres, ont occupé des postes de direction importants au sein du parti. Parmi les figures antisémites notables du parti, on compte également François Duprat, historien négationniste, et Jean-Pierre Stirbois. Et bien sûr, impossible d’omettre Jean-Marie Le Pen, qui a fait des propos antisémites sa spécialité, lui valant plusieurs condamnations légales.
Il est vrai que Marine Le Pen cherche à se distancer de ce passé troublé, affirmant que son parti a évolué. La leader de l’extrême droite proclame désormais que « la Shoah est l’horreur suprême ». Pourtant, les traces du passé sont encore visibles dans le présent. Par exemple, il y a quelques jours, Jordan Bardella, le président actuel du RN, a déclaré que Jean-Marie Le Pen ne peut pas être qualifié d' »antisémite », et il a même utilisé le passé pour en parler, comme s’il était décédé. Le RN serait sans doute soulagé de pouvoir effacer définitivement son passé encombrant.
« Le RN ne pourra jamais se dresser en défense contre l’antisémitisme »
Or, nonobstant ses 95 ans, Jean-Marie Le Pen est toujours vivant, tout comme son héritage malheureux que sa fille n’arrive pas à effacer. Lors du congrès du RN de 2022, elle a insisté sur le fait qu’elle « assume » l’histoire de son parti. Un exemple parmi beaucoup d’autres de cette duplicité. En 2015, en réponse à la position du chanteur Patrick Bruel contre lui, son père avait déclaré : « La prochaine fois, on fera une fournée ! » Sa fille avait regretté « une erreur politique » et critiqué « l’interprétation malveillante » des médias, sans pour autant condamner le fond de l’insulte.
La raison de cette double langue est la présence continue de personnalités antisémites au sein du parti et de son entourage, notamment parmi ses amis du GUD, le syndicat étudiant d’extrême droite. Plusieurs sondages d’opinion ont révélé que les électeurs du RN sont ceux qui adhèrent le plus aux préjugés antisémites, comme l’idée que les juifs seraient riches ou auraient trop de pouvoir, par exemple. Même si le RN n’a pas sa place comme organisation politique à la marche du dimanche, il est impossible d’empêcher ses dirigeants d’y participer en tant que citoyens. Le mieux serait probablement de rester à l’écart, comme le suggère le président du Crif, Yonathan Arfi, rappelant que « le RN ne pourra jamais se dresser en défense contre l’antisémitisme ».