Capturer l’énigme de la création est une entreprise délicate qui a rarement donné vie à des chefs-d’œuvre notables. Mona Achache arrive magnifiquement à cet objectif.
La réalisatrice Mona Achache livre une part intime de son histoire avec le film « Little Girl Blue« , qui sortira le mercredi 15 novembre. En explorant à la fois le documentaire, la fiction, le making of et une recherche initiatique, elle cherche à faire le deuil de sa mère qui s’est donnée la mort en 2016. C’est Marion Cotillard qui réincarne la figure de Carole Achache, mère de la réalisatrice et personnalité artistique multiple puisqu’ elle était à la fois écrivaine et photographe. Il s’agit d’une œuvre où l’art de la littérature et de la sculpture est capté avec une précision rare.
Un enchevêtrement maternel
C’est dans l’appartement de sa mère que Mona Achache découvre un amas de photos, de lettres et d’enregistrements, suite au suicide de celle-ci. Marquée par cette séparation, Mona recouvre les murs de l’habitation de ces souvenirs tangibles. S’évente alors l’idée de faire appel à Marion Cotillard, afin qu’elle se glisse dans la peau de sa mère avec une fidélité presque troublante. Dans une reconstitution minutieuse et une mise en scène quasi réaliste, la fille met en image sa mère, qui avait elle-même rédigé des écrits sur sa propre mère. Un jeu de miroirs entre mères et filles s’instaure, à l’instar des poupées russes.
Mona Achache s’inspire alors du processus créatif de Kaouther Ben Hania pour « Les Filles d’Olfa ». Dans ce dernier, la réalisatrice présente une actrice à une mère et ses trois filles, actrice qui est censée représenter la mère à l’écran. Une mise en abîme se crée entre le film et le tournage du film, dans lequel la comédienne rencontre celle qu’elle doit interpréter. S’instaure alors un jeu entre fiction et réalité, des faits réels à leur reconstitution, des souvenirs aux témoignages, et de ce que l’on désire être à ce que l’on est.
Des équivalences artistiques
La performance de Marion Cotillard, qui se fond peu à peu dans la peau de Carole Achache, contribue à la richesse dramaqtique de l’œuvre. Cette quête de ressemblance parfaite, qui habite Mona Achache, la pousse à construire peu à peu une barrière mentale, l’empêchant de comprendre le secret entourant le suicide de sa mère. Ce secret tourne autour de la passion de l’écriture de sa mère, qui se tarissait de plus en plus. C’est d’ailleurs pourquoi, « Little Girl Blue » aborde non seulement la vie de Carole Achache mais également son processus d’écriture propre, qui caractérisait sa perception de la vie.
Ainsi, le film dégage une beauté visuelle présente à la fois dans l’esthétisme de la mise en scène mais aussi dans l’évocation du processus créatif de l’écriture. Les scènes sont méticuleusement construites et l’atmosphère sonore est colorée, notamment dans une scène de doublage où Marion Cotillard reproduit la voix de Carole Achache de façon exceptionnelle. Le mystère de Carole Achache réside dans celui de l’écriture, d’un roman ou d’un film que l’on voit en train de se faire. Il réside aussi dans le mystère des liens qui unissent une fille à sa mère, mais également dans ces suicides « héréditaires » dans la famille, dont celui de Carole Achache est né d’un trop grand appétit de vie.
Fiche du film
Genre : Drame / Biographie
Réalisatrice : Mona Achache
Pays : France
Durée : 1h35
Sortie :15 novembre 2023
Distributeur : New Story
Synopsis : Suite à la disparition de sa mère, Mona Achache tombe sur des milliers de photos, de lettres et d’enregistrements. Mais ces indices ne suffisent pas à résoudre l’énigme entourant sa disparition. Alors, par le biais du cinéma et grâce à une interprétation magistrale, la réalisatrice décide de la ressusciter pour rejouer sa vie et la comprendre.