Les membres du Sénat continuent d’accentuer la rigueur du projet de loi sur l’immigration. Ils ont apporté des modifications substantielles à la normalisation dans les professions en manque de main d’œuvre, qui est l’aspect le plus symbolique du projet soutenu par l’exécutif.
Après avoir réussi le vote pour la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) le mardi, la majorité sénatoriale, qui comprend des élus Républicains et centristes, a continué sa révision du projet de loi immigration le mercredi 8 novembre. Cette fois, ils se sont concentrés sur l’annulation du plan du gouvernement pour la régularisation des travailleurs dans les secteurs à forte demande.
Le président du groupe Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, avait mis en avant ses objections contre le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, concernant l’article 3 et l’article 4 – des articles qui portent sur la régularisation des travailleurs non documentés dans les secteurs à forte demande. La suppression de ces articles fut donc une réussite pour les sénateurs LR qui avaient assuré qu’ils refuseraient de voter le texte si ces articles étaient maintenus. Ces derniers représentaient le principal point de différend entre la droite et l’exécutif au Palais du Luxembourg.
La droite annule le plan de régularisation du gouvernement
Le gouvernement avait initialement proposé aux parlementaires un texte visant à régulariser les travailleurs non documentés dans les « métiers en tension », autrement dit les secteurs où il y a un besoin en main d’œuvre. L’article 3 du projet de loi stipulait que les travailleurs sans papiers pourraient obtenir un titre de séjour d’un an, renouvelable, à condition qu’ils puissent justifier de trois ans de présence en France et de huit fiches de salaire.
L’objectif du gouvernement était d’assouplir la circulaire Valls qui définit actuellement les critères d’obtention d’un titre de séjour pour les travailleurs sans papiers. Selon l’article proposé par le gouvernement, les travailleurs seraient en mesure de faire la demande eux-mêmes, sans l’approbation de leur employeur.
Malheureusement, l’article 3 a été abrogé par la majorité sénatoriale, qui s’opposait à l’établissement d’un droit automatique à la régularisation. Les élus ont également voté en faveur de l’abrogation de l’article 4, qui aurait permis aux demandeurs d’asile de certains pays de travailler dès leur arrivée en France.
Nouvel article 4 bis qui renforce les conditions de régularisation
Adopté dans la nuit de mercredi à jeudi par les sénateurs, l’article 4 bis limite strictement les conditions pour obtenir une carte de séjour « travailleur temporaire » ou « salarié » d’un an. Ce n’est plus par « plein droit » mais de manière exceptionnelle qu’un travailleur non documenté pourra obtenir un titre de séjour.
Cela nécessite désormais d’avoir travaillé au moins douze mois au cours des deux dernières années dans des « métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement », et au moins trois ans de résidence en France. Cependant, cet article maintient une des caractéristiques du plan du gouvernement : la demande pourra être déposée par le travailleur, sans l’accord ou l’aval de l’employeur.
Le futur du texte entre les mains des députés
L’article 4 bis doit être adopté par les députés à l’Assemblée nationale pour prendre effet. Prévu à partir du 11 décembre, l’avenir du projet de loi sur l’immigration reste incertain.
Lors de sa présence à Public Sénat, le jeudi, Bruno Retailleau a réagi aux propos de Sacha Houlié : « Il doit être prudent, il n’y a pas une majorité absolue à l’Assemblée nationale ». En effet, la majorité pourrait avoir besoin du groupe LR pour faire passer son texte sans utiliser le 49.3. Selon l’élu de Vendée, les débats lors de la commission mixte paritaire seront compliqués et intenses si les députés modifient en profondeur le texte adopté au Sénat. « S’il y a démontage, ce sera un refus catégorique », prévient Bruno Retailleau.