Le lundi 6 novembre, a commencé le procès d’Éric Dupond-Moretti devant la Cour de Justice de la République, dans une atmosphère tendue. Ce procès, qui devrait durer encore dix jours, peut potentiellement aboutir à une peine maximale de cinq années de prison et une amende de 500 000 euros. Les charges retenues contre lui sont liées à deux prises illégales d’intérêts.
Lors du premier jour de son procès, le garde des Sceaux et le procureur ont échangé des propos très virulents. Éric Dupond-Moretti a immédiatement qualifié ce procès d' »infamie » et a accusé les magistrats de lui « faire la guerre » depuis son arrivée place Vendôme. Le procureur a répliqué en affirmant que ce n’était pas le procès de la justice mais celui d’un homme accusé de prise illégale d’intérêts. Il a également souligné la difficulté pour les magistrats de juger le ministre dont dépend leur carrière. Ainsi, l’ambiance était très tendue et l’on craignait que ces deux semaines d’audience dégénèrent en un véritable règlement de comptes, affaiblissant ainsi ministres et magistrats, politique et justice.
Ce duel entre un ministre et son administration est en partie la faute de tous les acteurs impliqués. Certes, Éric Dupond-Moretti bénéficie de la présomption d’innocence, mais son maintien à son poste, non seulement après sa mise en examen, non seulement au moment de son renvoi devant la Cour de justice de la République, mais même pendant son procès, a fragilisé à la fois le gouvernement et l’institution judiciaire. Tout cela avec l’approbation d’Emmanuel Macron.
Dès le premier jour, le procès est donc devenu un véritable bras de fer entre le ministre et son administration. Un duel qui a commencé dès la nomination d’Éric Dupond-Moretti, considérée comme une provocation par les syndicats de magistrats. Et c’est précisément ce climat qui a conduit à ce procès, puisque le ministre est accusé d’avoir utilisé ses fonctions pour engager des poursuites administratives contre des juges avec lesquels il était en conflit.
Il est fort possible que personne ne sorte gagnant de ce procès, ce qui en est le drame. Si Éric Dupond-Moretti est relaxé, cela entachera la crédibilité de la magistrature. Et si le ministre est condamné, beaucoup pointeront du doigt le caractère politique de la Cour de justice de la République, composée de trois magistrats et surtout de douze parlementaires, dont une majorité d’opposants politiques. Cette institution est tellement critiquée que François Hollande puis Emmanuel Macron ont promis de la supprimer, sans pour autant passer à l’acte.
En bref, quelle que soit l’issue du procès, on peut craindre que certains estiment que la justice n’est pas rendue uniquement au nom du peuple français, mais aussi parfois dans le cadre d’un règlement de comptes personnel.