« Past Lives – Nos vies d’avant » prend le soin de narrer les aventures émotionnelles de deux individus adultes qui se sont jadis adorés dans leur enfance. Celine Song dépeint ainsi une dimension affective peu courante dans le domaine cinématographique, à savoir une sensation différente de celle associée traditionnellement à l’émigration, soit l’expérience de l’exil.
Que se passe-t-il dans votre vie sentimentale lorsque vous ne parvenez pas à renoncer complètement à une relation passée ? La cinéaste canado-coréenne Celine Song aborde cette question dans son film Past Lives – Nos vies d’avant, qui sera à l’affiche à partir du 13 décembre. Salué par la critique américaine et ayant déjà reçu plusieurs récompenses, le film narre sur une durée de trente ans l’histoire particulière entre les personnages Nora (Greta Lee) et Hae Sung (Teo Yoo), qui se sont aimés pendant leur enfance.
C’est à l’âge de douze ans que Nora a quitté son pays natal pour le Canada en compagnie de sa famille, avant de s’installer à New York pour y exercer le métier de dramaturge. Laissant derrière elle, en Corée du Sud, son amour d’enfance Hae Sung. Près de vingt ans plus tard, après avoir vécu des parcours différents – un écho à une scène de leur enfance où deux chemins distincts (une voie plate et un escalier) s’offraient à eux, ils se retrouvent à New York. Hae Sung est venue rendre visite à Nora, qui est maintenant mariée. C’est l’occasion pour ces deux adultes de réfléchir à ce qu’aurait pu devenir leur amour platonique.
Le temps nécessaires à la compréhension de ses sentiments
Dans Past Lives – Nos vies d’avant, Celine Song prend le soin de détailler l’évolution d’un lien émotionnel durable. On assiste d’abord à la confession d’une adolescente à sa mère sur ses premiers amours, puis à l’édification d’une jeune femme de 20 ans qui cherche à sortir d’une situation trouble. Enfin, on découvre une femme de trente ans qui s’est engagée dans une vie de couple et a ainsi défini l’orientation de sa vie amoureuse.
Au cours de ce récit, Nora est l’instigatrice des principaux changements – c’est elle qui décide de suivre sa famille au Canada – alors que Hae Sung semble subir ces transformations. D’autant plus, que ses sentiments ne sont pas toujours clairement exprimés. Au travers des gestes, des postures, des attitudes et surtout des regards, la caméra de Song capture l’intimité tacite qui unit ces personnages. Les environnements qui témoignent de ces moments sont filmés avec précision, et deviennent ainsi les symboles de leurs tribulations sentimentales.
Une amitié fusionnelle
Pour sa première réalisation, Celine Song s’est basée à partir de ses propres expériences. La scène d’ouverture du film, qui retrace en détails cet amour singulier en revenant sur leur passé, lui est familier. En effet, la cinéaste a vécu une situation similaire dans un bar de New York, entre son mari et son premier amour. L’histoire du film est structuré autour de la relation évolutive entre les personnages principaux à différents moments de leurs vies. Ainsi, leur innocence de l’enfance est progressivement remplacée par une gêne naissante alors qu’ils réalisent la complexité de leurs liens à distance et, plus tard, lorsque Nora se marie. C’est cet aspect complexe qui est mis en avant quand leurs doigts entrelacés à 12 ans à Séoul sont remplacés par le frôlement de leurs mains à 36 ans dans le métro de New York, tout en se regardant avec joie de leurs retrouvailles.
Les acteurs Grace Lee et Teo Yoo (apparu récemment dans la série romantique coréenne I Love to hate you sur Netflix) traduisent admirablement la complexité de leurs sentiments, tergiversant et assumant pleinement leurs rôles. Ces derniers incarnent parfaitement la connexion émotionnelle que le terme coréen « inyeon » (qui peut se traduire par « destin » ou « providence ») évoque dans le film. Cette croyance en un lien qui les unit d’une manière ou d’une autre est le fil conducteur pour Nora et Hae Sung, qui maintiennent une relation tumultueuse mais globalement pacifique. Cette tranquillité s’installe progressivement au fur et à mesure du récit, notamment entre le trio que forme Nora, Arthur (interprété par John Magaro) et Hae Sung. Ce dernier est bien sûr consciente de l’intensité de la relation entre sa femme et son amour d’enfance.
En outre, Past Lives – Nos vies d’avant propose une réflexion originale sur les traumatismes liés à l’exil, qui sont souvent abordés uniquement d’un point de vue nostalgique et qui emportent en réalité d’autres types d’émotions. La discussion entre les mères de Nora et Hae Sung, où la mère de Nora explique qu’il s’agit de faire un calcul entre ce que l’on perd et ce que l’on gagne, illustre parfaitement cette idée. Pour Nora et Hae Sung, cette réalisation se fait après deux décennies et Celine Song, à travers son film, leur offre un formidable canevas pour faire le point.
Informations sur le film
Genre : drame
Réalisation : Celine Song
Distribution : Greta Lee, Teo Yoo et John Magaro
Pays : Etats-Unis
Durée : 1h46
Sortie : 13 décembre 2023
Distributeurs : ARP Selection
Résumé : Nora et Hae Sung ont douze ans lorsqu’ils deviennent amis et développent un amour platonique. Les événements les séparent. À vingt ans, le hasard les rassemble brièvement. À trente ans, ils se retrouvent de nouveau, adultes cette fois, et sont confrontés à leur passé et à ce que pourrait être leur avenir.