Le film « La Chimère » d’Alice Rohrwacher, qui sortira en salle le 6 décembre, invite les amateurs de cinéma à explorer l’univers des « tombaroli », ces voleurs de sépultures étrusques en Italie, contribuant ainsi au commerce illégal d’objets d’art.
Une vue féminine. Un individu masculin perdu dans son imaginaire à bord d’un train. C’est à travers ce prisme que la réalisatrice italienne Alice Rohrwacher nous présente le personnage principal de son dernier long-métrage, La Chimère. Arthur, joué par un Josh O’Connor au regard énigmatique, vient de sortir de prison et rejoint son lieu de résidence, un petit village proche de la mer Tyrrhénienne en Italie. L’accueil qu’on lui réserve est loin de correspondre à ses attentes. Rapidement, cependant, celui qui a le don de déceler le vide retrouve son groupe de pillards d’anciennes tombes étrusques et de trésors archéologiques, les « tombaroli », dont il est le meneur. Contrairement à ce que l’on pourrait penser en le voyant toujours en costume, il est un véritable passionné d’art.
Suite à Heureux comme Lazzaro, récompensé par le Prix du scénario en 2018, et Les Merveilles, Grand Prix du Festival de Cannes 2014, Alice Rohrwacher explore dans son nouveau film une pratique qui interroge simultanément notre rapport à la mort et à l’art. Celle des « tombaroli », qui pillent des sépultures datant d’au moins 2000 ans, et alimentent des réseaux de trafic d’œuvres d’art très recherchées par les collectionneurs. Le sujet est lourd de sens à bien des égards, mais il est déroulé dans une atmosphère détendue où le chant et la danse font partie du quotidien, portés par la joie de vivre. En particulier par l’entrain d’Italia (Carol Duarte), la femme de ménage de Flora (Isabella Rossellini), une femme âgée haut en couleur qui accueille Arthur sous son toit. Le jeune homme britannique, hanté par le fantôme de son amour perdu Beniamina, ne semble pas insensible au charme de la mère de deux enfants rayonnante qu’est Italia.
Le coût du passage
Alice Rohrwacher joue avec les arrières-plans, utilise une technique de réalisation vive et joyeuse, à l’image de ces policiers qui poursuivent à toute vitesse des voleurs, pour donner corps à une histoire qui oscille entre deux mondes parallèles : celui des vivants et celui des morts. Les œuvres d’art découvertes dans ces statues étrusques sont censées représenter le prix à payer pour passer de l’autre côté et sauver l’âme des défunts. La réalisatrice semble aussi mettre en contraste le vide qui envahit nos vies – symbolisé par une gare à l’abandon qui n’appartient à personne tout en étant à la disposition de tous – avec l’abondance d’objets du quotidien que les pillards déterrent des tombes visées.
En fin de compte, La Chimère se révèle une promenade charmante, par moments souterraine (un lieu que Alice Rohrwacher chérit, puisqu’elle filmait déjà une grotte dans Les Merveilles), empreinte de nostalgie et de mélancolie, au cœur de l’univers haut en couleurs qui caractérise la réalisatrice italienne.
Genre :Drame et comédie
Réalisatrice :Alice Rohrwacher
Interprètes : Josh O’Connor, Carol Duarte, Isabella Rossellini, Alba Rohrwacher et Vincenzo Nemolato
Pays :Italie, France et Suisse
Durée : 2h13
Date de sortie : 6 décembre 2023
Distributeur : Ad Vitam
Synopsis :Arthur revient dans son petit village côtier de la mer Tyrrhénienne après un passage en prison. Il rejoint son gang de Tombaroli, des voleurs de tombes étrusques et de merveilles archéologiques. Arthur possède un don particulier qu’il met à profit pour son groupe de brigands : il peut sentir la présence du vide. Le vide de la terre qui abrite les restes d’un ancien monde. Le même vide qui résonne en lui suite à la perte de son amour, Beniamina.