La Cour de justice de la République a disculpé le ministre de la Justice ce mercredi, après son procès pour une affaire d' »intérêt personnel non justifié ». Julien Bayou, le juge remplacant à la CJR, affirme que le « public » est en difficulté pour saisir le concept que « des personnalités politiques soient jugées par d’autres personnalités politiques ».
Sur 42mag.fr, le 30 novembre, Julien Bayou, député écologiste et juge suppléant à la Cour de justice de la République (CJR), a exprimé son sentiment de nécessité de réforme profonde, voire d’abolition de la CJR. Il a fait cette remarque en perspective de l’avenir et a invité à l’acceptation du verdict récent de la CJR, qui a absous Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, accusé de « prise illégale d’intérêts », le 29 novembre.
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Selon Julien Bayou, la justice a été administrée correctement. « Dupond-Moretti était présumé innocent et il a été déclaré innocent », a-t-il déclaré. En outre, Bayou est convaincu que les magistrats en titre, qui ont participé aux délibérations, ont jugé de manière équitable.
Bien qu’il se refuse de commenter davantage la relaxe d’Éric Dupond-Moretti, Julien Bayou pense tout de même que la composition de la CJR pose problème. Se basant en partie sur sa propre expérience en tant que juge suppléant lors du procès du ministre de la Justice, il confie que la situation a été « compliquée ». En effet, devant se positionner constamment entre ses rôles de politique, parlementaire et de juge, cela a créé un dilemme, notamment lorsqu’il a croisé Eric Dupond-Moretti lors d’une cérémonie commémorative des attentats de 2015 à Paris en plein procès. « Pour moi, c’est là que réside le problème fondamental de la CJR », confie-t-il.
Julien Bayou affirme : »,80% des membres de la CJR sont des députés et sénateurs comme moi, qui jouent le rôle de juges pendant deux ou trois semaines, et cela ne marche pas ».
Tout en respectant l’intégrité et l’impartialité des juges de la CJR, le député souligne plusieurs soucis. Tout d’abord, il indique que les « juges parlementaires ou juges amateurs », contrairement à leurs homologues professionnels, « ne sont pas formés en droit pénal ». De plus, il estime que le public éprouve du mal à comprendre que « les politiques jugent d’autres politiques ». En cas de condamnation d’Eric Dupond-Moretti, certains auraient crié que « l’opposition a obtenu en justice ce qu’elle n’obtient pas dans les urnes ». À l’inverse, certains groupes comme La France insoumise, soupçonnent un accord entre la majorité présidentielle et les Républicains pour absoudre le Garde des Sceaux. Bayou fait référence à un vieux dicton selon lequel « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », exprimant ainsi son inquiétude sur le sujet.
Pour Bayou, le droit repose sur un principe fondamental : l’indépendance et la perception d’indépendance. Or, il estime que l’opinion publique a des doutes quant à l’indépendance de la CJR et que les verdicts de cette cour pourraient par conséquent souffrir d’illégitimité.
🔴 "Il faut rétablir l’égalité des Français devant la loi. Ça passe par la suppression de la Cour de justice de la République", plaide Julien Bayou. “Il peut y avoir une majorité” au Parlement pour le faire. Il a déposé une proposition de loi constitutionnelle. #8h30franceinfo pic.twitter.com/O8wWSr9azc
— franceinfo (@franceinfo) November 30, 2023
C’est dans cette perspective qu’il a déposé une proposition de loi de révision constitutionnelle visant à éliminer la CJR, en collaboration avec le député Jérémie Iordanoff, le 30 novembre. « Il est capital de réinstaurer ce sentiment profond d’égalité devant la loi qui prévaut en France », justifie Bayou sur 42mag.fr. Le législateur écologiste rappelle également qu’Emmanuel Macron « s’était engagé » à abolir la CJR. « Nous avons donc présenté cette proposition de loi qui reprend la mesure proposée par Edouard Philippe », ajoute-t-il. « Il est possible qu’une majorité à l’Assemblée et peut-être au Sénat vote en faveur de la suppression la Cour de justice de la République ».
Bayou veut voir les ministres jugés comme tous les autres citoyens, « par des magistrats professionnels et indépendants ». Cependant, il reconnaît que cela pourrait entrainer une multitude de procédures dirigées contre les actions des ministres. Ceux-ci « ne doivent pas faire l’objet d’une guérilla juridique ou de procédures d’intimidation ». Ainsi, il propose de mettre en place « un système de tri des plaintes par des magistrats de la Cour de cassation, du Conseil d’État, de la Cour des comptes ». Si la plainte est jugée recevable, « un jugement traditionnel est ensuite rendu au nom du peuple français par des magistrats professionnels », explique-t-il.