Tandis que le mécontentement des éleveurs risque d’assombrir ce point de rencontre démocratique arrêté pour tous les nouveaux Chefs de gouvernement, à Matignon, on désire « garder notre sens de la raison ».
Mardi 30 janvier, Gabriel Attal, Premier ministre, doit prendre la parole pour présenter sa déclaration de politique générale. Un exercice qui, loin de l’effrayer, lui donne l’ampleur nécessaire pour s’exprimer sur son programme, destiné essentiellement aux classes moyennes, mais aussi pour la transition écologique. Cette déclaration intervient tandis que des milliers d’agriculteurs expriment leur mécontentement en paralysant les routes.
La déclaration de politique générale de Gabriel Attal à l’Assemblée : qu’attendre en matière d’agriculture, éducation et classe moyenne ?
Cette déclaration devant le parlement, à laquelle tous les Premiers ministres doivent se prêter même sans obligation légale, revêt une importance cruciale permettant de formuler la vision et la méthode du chef du gouvernement. C’est dans ce contexte et trois semaines après avoir pris ses fonctions que Gabriel Attal doit livrer son discours, au milieu d’une crise qui s’apparente à un véritable marasme. Un de ses conseillers les plus influents a recommandé de garder la tête froide.
Gabriel Attal et le défi de la « parole performative »
Gabriel Attal est bien conscient que les agriculteurs gardent un œil attentif sur ses actions et que son discours sera suivi de près, y compris par ceux qui bloquent les voies de communication. Il doit leur signifier sa compréhension de leurs inquiétudes et indiquer que toutes les solutions ne sont pas à court terme, souligne Matignon. Malgré les annonces précédentes promettant une simplification administrative et l’arrêt de l’augmentation de la taxe sur le GNR, qui n’ont pas apaisé les tensions, le Premier ministre mettra désormais l’accent sur le lien entre l’agriculture et l’écologie pour dessiner un nouveau modèle d’agriculture française.
Des négociations se sont tenues tardivement lundi à Matignon avec les représentants de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs. Le gouvernement cherche à échapper à une épreuve de force qui pourrait mal tourner. Pour le moment, l’évacuation des barricades n’est pas envisagée, conformément à la stratégie énoncée par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui a pourtant fixé des limites à ne pas dépasser par les manifestants.
Gabriel Attal sait identifier les problèmes, estime son entourage, maintenant il faut passer à l’action, car si le Premier ministre va parler d’agriculture, cette « DPG », dans le jargon des politologues, reste surtout une déclaration de politique générale.
En pleine maturité
Un défi de taille attend donc le Premier ministre qui, pendant une heure, doit donner une intervention structurée et pleine d’annonces concrètes, en traitant des sujets comme l’autorité, les affaires régaliennes, les services publics, la santé ou le logement. En somme, exprimer cette fameuse « parole performative » théorisée par ses conseillers.
Lorsque l’opposition caricature Gabriel Attal en simple marionnette du président, qui n’aurait plus rien à ajouter à la conférence de presse tenue par Emmanuel Macron deux semaines auparavant, les ministres sont tous chargés de réfléchir et faire des propositions. Le Premier ministre aspire à se démarquer grâce à ses déplacements, un grand débat, des séminaires gouvernementaux, des rencontres avec les syndicats et les partis politiques. En trois semaines, entre la fatigue et ses cheveux grisonnants, « on dirait qu’il a pris un coup de vieux », se moque un conseiller. Mais l’expérience n’est pas forcément synonyme de sagesse, et ses proches espèrent que cette déclaration de politique générale renforcera sa « légitimité politique » et développera « sa connexion avec les citoyens »… sous surveillance. Car même à distance, depuis la Suède, Emmanuel Macron va lire, annoter et corriger le discours de son premier ministre.