Le samedi 13 janvier, Gabriel Attal, le chef du gouvernement, a promis d’injecter « 32 milliards d’euros de plus » dans le secteur de la santé « au cours des cinq prochaines années ». Cependant, cette affirmation ne convainc pas Patrick Pelloux, à la tête de la Fondation des médecins urgentistes hospitaliers en France, qui plaide principalement pour l’augmentation des recrutements au sein des hôpitaux.
« Nous avons les bâtiments, l’équipement, les outils nécessaires, il ne manque que le personnel », clame Patrick Pelloux, président de la fondation des médecins urgentistes hospitaliers de France, le samedi 13 janvier, sur les ondes de 42mag.fr. Gabriel Attal, le Premier ministre, en visite au CHU de Dijon a précédemment déclaré un investissement supplémentaire de 32 milliards d’euros dans la santé au cours des cinq prochaines années. Cette enveloppe budgétaire semble tout droit sortie de nulle part pour l’urgentiste qui s’interroge sur la finalité de cette dépense.
franceinfo : Quels devraient être les projets financés par les 32 milliards d’euros supplémentaires promis par Gabriel Attal pour les cinq années à venir ?
Patrick Pelloux :
En premier lieu, d’où viennent ces ressources financières ? Je rappelle que la loi de finance a exigé d’énormes restrictions budgétaires, se chiffrant en centaines de millions, et voilà que nous avons 32 milliards d’euros en plus. Pour quelqu’un qui a occupé un poste de ministre à Bercy, cela est assez surprenant car ses prédécesseurs m’affirmaient qu’il n’y avait pas de fonds disponibles. Concernant l’utilisation de cet argent, je n’ai aucune idée. Investir dans les infrastructures ne servirait à rien, car nous avons déjà des bâtiments, des lits, du matériel et tout le nécessaire. Ce qui nous manque, c’est réellement du personnel. Gabriel Attal parle d’investissement et non de recrutement, ce qui pose un réel problème. Lorsqu’ils ont mis en place le Ségur de la Santé, ils ont supprimé quatre niveaux d’ancienneté des praticiens hospitaliers. Le système de primes, qui ne valorise pas du tout la retraite, est une anomalie du monde libéral. Comme prévu, le personnel a quitté le navire. Ce qui nous manque cruellement fut du personnel qualifié pour gérer les lits d’hôpitaux.
Est-ce que Gabriel Attal est conscient du problème d’attractivité de ces professions ?
Je ne saurais dire. Le départ répété des ministres de la Santé, comme Aurélien Rousseau, qui a démissionné le 20 décembre après l’adoption de la loi sur l’immigration, nous laisse perplexes. Il n’y a aucune politique de santé stable depuis 2017. Ce qui se passe actuellement, c’est que tous ceux qui travaillaient sous Sarkozy sur les entreprises hospitalières reviennent. Évidemment, cela nous inquiète car la menace sur le service public hospitalier n’est pas loin. La chirurgie publique est en grande difficulté, les blocs opératoires et l’accès aux plateaux techniques sont en crise, ainsi que le recrutement de personnel. Le plan cette année est de faire venir 20 000 médecins étrangers pour maintenir en activité les hôpitaux publics. Cela signifie que l’attractivité de ces professions veut désormais s’appuyer sur des médecins issus de pays étrangers, qui sont d’ailleurs eux-mêmes en manque de professionnels de santé. Ceci illustre une politique incohérente.
Dans le discours de Gabriel Attal, on sent une volonté de réduire le recours aux urgences et de faire plus de prévention, est-ce une proposition que vous approuvez ?
Le mot « prévention » a été retiré de l’intitulé du ministère, qui avait été mis en place par François Braun et confirmé par Aurélien Rousseau. Que font-ils en termes de prévention depuis deux ans ? Rien. Nous avions proposé d’imposer le port du casque pour les utilisateurs de véhicules non polluants tels que les vélos et les trottinettes, afin de limiter le nombre de traumatismes crâniens, mais ils ont rejeté cette idée en déclarant que cela causerait trop de problèmes. Je suis très inquiet sur l’avenir de l’hôpital public avec ce gouvernement. Il ne fait que chercher à nous discréditer et à détruire le dialogue social. Je peux vous affirmer que les temps à venir ne seront pas faciles.