La romancière Annie Ernaux, conviée mercredi sur les ondes de France Inter, exprime sa déception face aux controverses récentes liées à l’intégration du droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution.
« Je crains que les principes de l’extrême droite gagnent du terrain, notamment ceux qui touchent aux droits des femmes », a exprimé l’auteur Annie Ernaux, lauréate du prix Nobel de littérature 2022, lors d’une interview sur France Inter le mercredi 14 février. Ses propos interviennent alors que la commission des Lois du Sénat se penche sur le projet de loi visant à intégrer le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution.
Les sénateurs ont choisi de « ne pas contester » l’intégration de l’IVG dans la Constitution, malgré « certains points de friction » qui seront discutés en session plénière fin février, a annoncé la rapporteuse du projet de loi, Agnès Canayer.
Annie Ernaux justifie son inquiétude en évoquant le concept de « réarmement » employé par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 16 janvier. Selon elle, cela indique qu’il « souligne l’importance d’accroître la population française ». « Je pense que les femmes ont suffisamment démontré leur volonté de maintenir ce droit », affirme l’écrivaine, qui espère que ce droit « sera intégré dans la Constitution. C’est d’une grande nécessité. »
« Quel est ce droit ?! »
Annie Ernaux dénonce également la position de Gérard Larcher. En milieu de janvier, le président du Sénat avait exprimé son opposition à l’intégration du droit à l’IVG dans la Constitution. « Je ne crois pas que le droit à l’IVG soit menacé dans notre pays », avait-il avancé comme justification.
« Quel est ce droit ?! », exige Annie Ernaux. « Que sait cet homme sur le corps d’une femme, sur son désir d’avoir ou de ne pas avoir un enfant ? » Gérard Larcher avait notamment expliqué sur la chaîne 42mag.fr qu’il souhaitait éviter que la Constitution ne devienne « un répertoire de droits sociaux et culturels ». « Je suis en colère, parce que cela signifie que ce droit ne sera jamais définitivement acquis », craint l’écrivaine.
Annie Ernaux rappelle les mots de Simone Veil, qui a réussi à faire adopter la loi autorisant l’IVG en France il y a 50 ans.« Je crois que Simone Veil a été très claire quand elle a dit à cette assemblée majoritairement masculine, qu’ils devaient comprendre. Ce n’est pas eux qui vivent cela, elle était obligée de dire qu’une femme ne fait pas ça par plaisir ». Le Sénat, à majorité de droite, rendra son verdict sur la constitutionnalisation de l’IVG le 28 février.