Dans ce film biographique sorti le 14 février, qui manque de dynamisme, on trouve quelques points positifs (notamment la bande son signée Marley) mais aussi une multitude d’aspects décevants. Le film échoue à captiver l’attention ou à saisir l’intrication du personnage qu’est l’icône du reggae avec son message d’humanisme universel.
La musique de Bob Marley est universellement connue, alors que sa vie l’est moins. Même 43 ans après son décès en 1981 à l’âge de 36 ans, sa musique a toujours autant de succès, traversant les années et les générations.
Le film Marley, réalisé par Kevin Macdonald et sorti en 2012, avait su utiliser les archives familiales pour offrir un documentaire remarquable sur la vie de l’artiste jamaïcain. Aujourd’hui, Bob Marley fait l’objet d’un biopic, dans la lignée de la tendance actuelle à Hollywood. Le film Bob Marley : One Love sortira en salles le 14 février.
Pour ce projet longuement attendu, la famille de Marley a choisi Reinaldo Marcus Green, réalisateur du film sur les joueuses de tennis Venus et Serena Williams intitulé La Méthode Williams. Ziggy Marley, le fils aîné, occupe le poste de producteur, tandis que la famille surveille de près pour s’assurer que l’héritage de Marley est préservé. Cependant, la question qui se pose est de savoir si l’industrie cinématographique de Hollywood est vraiment le meilleur choix pour raconter l’histoire de ce poète rebelle qui a chanté : « Ne gagne pas le monde en perdant ton âme / La sagesse est plus importante que l’argent et l’or« .
Il est clair que ce biopic vise un public large et même familial. Que vous soyez novice sur la vie et la carrière de Marley ou que vous soyez un connaisseur de son travail, que vous le considériez comme une icône du reggae ou comme un ambassadeur de la paix, votre perception du film sera nécessairement différente.
L’attrait majeur du film : les compositions de Marley
Commencer par ce qui mettra tout le monde d’accord : la musique. De nombreux succès de Marley et de son groupe, les Wailers, sont joués dans le biopic. Des chansons intemporelles telles que Get Up, Stand Up, Exodus et One Love sont écoutées avec la même fraîcheur qu’à leur époque. Il est à noter que c’est bien la voix de Marley que l’on entend lors des scènes de concert, et les moments de création en studio, où l’on peut ressentir l’excitation de la création musicale, sont plutôt bien retranscrits.
Un autre atout du film réside dans le fait qu’il a été tourné principalement en Jamaïque, avec une majorité d’acteurs et de musiciens jamaïcains, ajoutant ainsi de l’authenticité. Enfin, le choix de centrer le biopic sur le pic de la carrière de Marley (1976-1978, période Rastaman Vibration et Exodus), autour d’un événement précis – le concert triomphal One Love Peace qu’il a donné à Kingston en avril 1978, montrant sa capacité à unir politiquement Michael Manley et Edward Seaga – est particulièrement bien pensé. Cela permet de souligner que l’influence et le message d’unité de Marley dépassaient largement le cadre de la musique.
Un manque d’incarnation et un lissage regrettable
Malheureusement, le biopic a des faiblesses. La ressemblance physique entre Kingsley Ben-Adir, l’acteur britannique jouant Marley, et ce dernier est faible. C’est un personnage séduisant à la Lenny Kravitz, avec un sourire charmant et une silhouette moins robuste que celle de Marley. Cependant, cette ressemblance est secondaire et n’a pas autant d’importance que l’interprétation. Pour représenter Bob Marley, personnage charismatique et complexe, il était nécessaire d’être capable d’incarner le révolutionnaire comme le romantique, l’exaltation comme l’introspection, avec une présence magnétique allant au-delà des mots. Malgré tous ses efforts pour imiter le gestuel et l’élocution de Marley, Kingsley Ben-Adir reste en surface et manque de crédibilité. C’est d’autant plus visible que Lashana Lynch, qui joue Rita Marley, est très convaincante, avec une performance intense et retenue.
En outre, le scénario et la mise en scène sont décevants, trop polis pour être captivants. Malgré les événements dramatiques de la vie de Marley, notamment une tentative d’assassinat et un cancer décelé tardivement, le film n’arrive pas à retranscrire ces moments de tension. Les traits de caractère controversés de Marley sont atténués et les tentatives d’explorer les motivations et les fragilités de l’homme sont à peine perceptibles. Les aspects ombrés de sa vie privée, comme son infidélité notoire et son manque de présence en tant que père pour ses nombreux enfants, sont passés sous silence. Même son habitude de fumer abondamment de la ganja est à peine évoquée.
« Bob Marley pour les nuls »
Pour apporter du dynamisme au scénario, le récit comprend de nombreux flash-back et visions chaotiques, notamment sur son père blanc qu’il n’a jamais connu et sur sa découverte du rastafarisme, une religion jamaïcaine qui a grandement influencé sa musique. Cependant, ces séquences sont obscures et ne font qu’ajouter à la confusion. Ce film manque de souffle et pourrait être gentiment qualifié de « Bob Marley pour les nuls ».
Alors pourquoi pas ? Le problème est que là où d’autres biopics et documentaires actuels réussissent à captiver leur public en racontant des vies ordinaires, celui-ci parvient à aplatir et lisser celle d’un artiste complexe et fascinant, avec un parcours exceptionnel. Bob Marley, un musicien jamaïcain parti de rien, a réussi à atteindre les sommets malgré les obstacles, avec une vision universaliste humaniste. « Ma musique est là pour toujours« , avait dit Marley. On ne peut malheureusement pas en dire autant de ce biopic dispensable.
La fiche
Genre : Biopic, Drame, Musical
Réalisateur : Reinaldo Marcus Green
Acteurs : Kingsley Ben-Adir, Lashana Lynch, James Norton
Pays : États-Unis
Durée : 1h47
Sortie : 14 février 2024
Distributeur : Paramount Pictures France
Synopsis : Bob Marley: One Love honore la vie et la musique de la star du reggae, sa capacité de résilience face à l’adversité, et le parcours qui a influencé sa musique révolutionnaire, qui a inspiré de nombreuses générations avec son message d’amour et d’unité.