Chaque semaine, Clément Viktorovitch examine et analyse les discussions et les enjeux politiques. Le dimanche 4 février, il s’est penché sur un thème particulier : la diminution de la bureaucratie, un but clairement établi par le Premier ministre Gabriel Attal.
Lors du discours de politique générale qu’a prononcé Gabriel Attal le 30 janvier dernier, il a mis l’accent sur une volonté de « débureaucratisation ». Il s’agit sans nul doute d’un écho aux promesses faites en 2017 par Emmanuel Macron, qui prétendait vouloir « simplifier » les choses pour lutter contre la « surabondance de normes ». Cela semble être un objectif évident, dans la mesure où la bureaucratie et la profusion des règlements sont généralement perçues d’un mauvais œil. Toutefois, il est crucial de ne pas se laisser entraîner trop facilement par le choix des mots utilisés par nos dirigeants politiques.
Les règles, en elles-mêmes, ne sont ni bonnes ni mauvaises. Elles constituent des directives qui structurent notre vie commune, et qui établissent ce qui est permis et ce qui est défendu. De ce point de vue, elles sont avant tout le reflet d’une décision politique. Le Premier ministre, dans son allocution, signalait que le volume des textes publiés sur Légifrance doublait depuis vingt ans.
La France connaît effectivement une inflation normative, comme l’a démontré Christophe Éoche-Duval, un conseiller d’État, dans une publication de la Revue du droit public en mars 2022. Certaines de ces normes sont indiscutablement trop compliquées. Cependant, la prolifération des réglementations est aussi le signe que nous avons besoin d’avoir plus de domaines régulés.
Exemple typique du droit environnemental
Prenons le cas du droit environnemental. Il y a vingt ans, il était nettement moins structuré qu’aujourd’hui. Or, c’est justement l’absence de règles qui a engendré la tragique situation environnementale que nous connaissons à présent, avec une dégradation sans précédent des sols, des écosystèmes aquatiques et de la biomasse.
Les normes environnementales sont précisément ce contre quoi les agriculteurs s’insurgent. Cela expose bien comment la question est plus complexe qu’elle n’y paraît à travers les propos de Gabriel Attal. Il est certes probable que des règles compliquées, voire absurdes, s’imposent aux agriculteurs. Cependant, certains exigences leur sont imposées pour des motifs écologiques. Qu’allons-nous privilégier : la protection environnementale ou le quotidien de ceux qui nourrissent le pays? Ce n’est pas à moi de répondre, mais il est clair que tout cela n’est pas simplement une question de « simplification ».
Les enjeux de la réforme du droit du travail
Le discours du Premier ministre a également ciblé le domaine des entreprises. Gabriel Attal souhaite « alléger la charge bureaucratique qui pèse sur les entreprises ». Cela semble être une nécessité… et c’est là tout le danger! Cette « simplification » ne se rapporte pas exclusivement ou uniquement au droit des sociétés, au droit commercial, au droit bancaire ou au droit de la concurrence. Gabriel Attal fait référence au droit du travail, qui régule les relations entre entreprises et salariés, et qui représente en droit le rapport de force entre employeurs et employés.
Lorsque le Premier ministre dit qu’il veut réformer ce droit en faveur des entreprises, cela ne peut, de facto, se faire qu’au détriment de certaines protections pour les salariés. On peut être pour ou contre, il s’agit là d’une décision politique. Mais, le moins qu’on puisse faire, c’est d’en assumer la responsabilité. On ne devrait pas masquer ce choix derrière les apparences de la « simplification » et de la « débureaucratisation ».