Le correspondant de l’Associated Press en Ukraine, Mstyslav Chernov, qui est également journaliste reporter d’images, a capturé quotidiennement la progression des vingt premiers jours de l’assaut russe sur Marioupol. Cette œuvre d’importance, en lice pour un Oscar, sera retransmise dimanche à 22h15 sur France 5.
Étonnement, incompréhension, crainte, souffrance, fatalisme, désespoir et catastrophe
En saisissant les émotions des citoyens et l’effondrement progressif de la cité assiégée, le reportage du journaliste ukrainien Mstyslav Chernov, baptisé 20 jours à Marioupol, se révèle déjà comme une histoire conséquente de la guerre en Ukraine. Reconnu par différents prix et nominé aux Oscars, ce documentaire sera diffusé le 25 février sur France 5 pour marquer le deuxième anniversaire du conflit.
C’est le 24 février 2022 que le journaliste vidéo de l’Associated Press, son collègue photographe Evgueniy Maloletka et la réalisatrice vidéo Vasilisa Stepanenko, étaient les derniers correspondants internationaux à Marioupol, importante ville portuaire et industrielle située au sud de l’Ukraine. Marioupol est un point de passage vers la Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014. Marioupol étant une cible stratégique, la déclaration de guerre envers son voisin par le président russe Vladimir Poutine quelques heures plus tôt et l’annonce d’une « opération spéciale » présagent d’une situation compliquée.
Les différentes facettes de la résilience
En position de réalisateur, Mstyslav Chernov raconte, à travers un point de vue intime, l’expérience de vingt jours qui donnent une illustration précise de la nature de guerre que le Kremlin a l’intention de mener. Les civils sont les premiers touchés. La ville de Marioupol, sous le feu de l’aviation et de l’artillerie russes, sera privée de services essentiels tels que l’électricité, l’eau potable et l’internet. Les routines des habitants sont bouleversées ; ils doivent abandonner leurs foyer, survivre dans des abris de fortune, s’entraider et se défendre parfois. À Marioupol, la force de l’endurance prend de nombreuses formes face à la menace constante de la mort.
Mstyslav Chernov se retrouve très vite face à un dilemme après avoir rencontré la première victime de l’offensive russe. Il se demande s’il doit filmer ou réconforter. Il conseille à une habitante en pleurs de Marioupol de trouver refuge chez elle, lui assurant que les civils ne sont pas des cibles. Il ne réalise pas qu’il pourrait se tromper : un bombardement russe touchera le quartier.
À mesure que le documentaire avance, son réalisateur démontre, grâce aux témoignages recueillis et aux situations filmées, que son soi-disant dilemme n’en est pas un. Au sein de cette tragédie humaine, le métier de journaliste rend les verbes « aider » et « exercer son métier » synonymes. Il est de rester à son poste coûte que coûte. Comme les secouristes, les forces de sécurité, les médecins et tous les personnels de l’hôpital de la ville qui lui demandent de filmer leurs patients morts ou blessés ainsi que les morgues temporaires où les corps sont entreposés pour être enterrés plus tard dans des fosses communes.
« Je ne souhaite pas vivre en Russie »
Le documentaire 20 jours à Marioupol nous fait (re)découvrir des images qualifiées de « poignantes » par un commentateur et qui ont été diffusées dans le monde entier grâce à l’équipe de l’Associated Press. Ces images, difficiles à obtenir, montrent l’horreur des atrocités commises par l’armée russe à Marioupol. Les images de la destruction de la maternité de la ville et d’une future mère, gravement blessée, transportée sur un brancard, en sont le paroxysme. Les Russes, maîtres en désinformation, font tout pour discréditer cet épisode pourtant gravé dans la réalité. On ne peut que s’interroger avec effroi sur ce qu’il se serait passé si ces images irréfutables, qui ont permis la mise en place d’un couloir humanitaire, n’avaient pas été capturées.
Au jour 15 du reportage de Mstyslav Chernov, l’armée russe pénètre dans Marioupol et encercle l’hôpital n°2 où de nombreux habitants, dont l’équipe de l’Associated Press, ont trouvé refuge. Cette dernière est devenue une cible car sa présence dérange désormais le Kremlin. De fait, 20 jours à Marioupol illustre la mission fondamentale du documentaire, saisir l’instant présent. L’encerclement de Marioupol a duré 86 jours et a causé la mort d’au moins 25 000 personnes. « Je ne souhaite pas vivre en Russie », avait confié une jeune femme à l’équipe de l’Associated Press, distinguée par un Pulitzer pour le service public en 2023 pour son travail. C’est ce que tous les Ukrainiens crient au monde depuis deux ans maintenant.
Le documentaire sera diffusé le 25 février à 22h15 sur France 5, après l’émission « Le monde en face : Ukraine, le coût des armes ». Il est également accessible sur france.tv dans la collection « Le prix de la liberté ».