Gérald Darmanin, le ministre chargé de la gestion des affaires intérieures, prédit l’abolition prochaine du droit du sol à Mayotte. Cette modification constitutionnelle est-elle possible à mettre en place ?
Durant son déplacement à Mayotte, Gérald Darmanin a divulgué le 11 février que le gouvernement envisage de modifier la Constitution pour abolir le droit du sol sur ces îles de l’Océan Indien. Le ministre de l’Intérieur admet qu’il s’agit d’une initiative audacieuse et drastique en réponse à une situation critique. L’île de Mayotte est submergée par l’immigration illégale, essentiellement en provenance des Comores, estimée à 150 000 personnes, soit un tiers de la population totale. Face à la montée de l’insécurité, certains résidents ont érigé des barricades ces dernières semaines, demandant un retour à l’ordre. Pour remédier à cette situation, Emmanuel Macron prévoit d’exclure le 101e département français du cadre législatif national. Depuis 2018, un régime dérogatoire est en place, obligeant l’un des parents étrangers à avoir un séjour légal d’au moins trois mois pour que leur enfant puisse obtenir la nationalité française. Le président français veut aller encore plus loin : un enfant né à Mayotte devra avoir au moins un parent français pour être éligible à la nationalité.
Référendum ou vote du Congrès
Le droit du sol est un élément clé de la définition juridique de la nationalité dans notre système républicain. Son abolition, même circonscrite à un seul département, serait une atteinte à l’un des fondements de notre droit. Elle remettrait également en cause le principe d’égalité des citoyens sur l’ensemble du territoire, ce qui provoque l’ire de nombreux représentants de la gauche. Pour mettre en œuvre cette modification, Emmanuel Macron doit changer la Constitution. Cela peut se faire soit par référendum, soit par la convocation d’un Congrès. Cette dernière nécessite l’adoption d’un texte identique par les deux Assemblées, puis son approbation par les 3/5e des parlementaires. Ce seuil est réalisable si la droite soutient le texte, à condition que la majorité ne se divise pas comme elle l’a fait en décembre sur la loi immigration.
Pour aller plus loin dans le sujet, vous pouvez lire ce REPORTAGE : « C’est chaotique, aucune autre description possible » à Mayotte, des services publics dépassés et sous pression.
Le Rassemblement national profitera de l’occasion pour en faire trop. En effet, le RN souhaite abolir le droit du sol sur l’ensemble du territoire pour le substituer par le droit du sang. Par conséquent, il utilisera le cas de Mayotte pour revendiquer une nouvelle victoire idéologique, même si les élus de toutes obédiences de Mayotte demandent cette mesure. En modifiant le droit du sol, Emmanuel Macron s’expose à un véritable risque politique et juridique. Il s’aventure sur un terrain glissant. Pour éviter l’escalade que le RN souhaite engager, le président devrait privilégier le Congrès plutôt que de lancer un référendum, lequel pourrait créer une tempête politique sur une question qui suscite déjà de vives émotions dans le pays.