Bertrand Bonello, tout en reprenant « La Bête dans la jungle » d’Henry James et en suivant les traces de « L’année dernière à Marienbad » d’Alain Resnais, voit son scénario se dérober à mi-chemin.
Bertrand Bonello, réputé pour son originalité et sa maîtrise de la mise en scène, offre une nouvelle perspective à un court roman d’Henry James en le faisant basculer aux confins du surnaturel. Le protagoniste masculin de l’œuvre originelle devient une femme (incarnée par Léa Seydoux) et la durée de l’histoire s’étire à travers de nombreuses existences passées. Disponible dans les salles de cinéma depuis le mercredi 7 février, La Bête suscite l’intérêt mais peine à tenir toutes ses promesses jusqu’à la fin.
En l’an 2044, dans un monde où les intelligences artificielles font partie du quotidien, les sentiments humains y sont indésirables. Pour s’en délivrer, Gabrielle (interprétée par Léa Seydoux) est contrainte de revisiter ses vies passées dans le but d’épurer son ADN. Au cours de chaque régression, elle retrouve Louis (joué par George MacKay), son éternel amour, tout en redoutant continuellement l’arrivée d’un désastre imminent.
En s’appropriant le roman d’Henry James, Bonello en propose une version futuriste. Sa vision de la science-fiction n’est pas sans rappeler celle de David Cronenberg. Ils partagent des thématiques communes dans La Bête : le corps, la métamorphose, la sexualité, les émotions. La présence de Léa Seydoux, aperçue dans Les Crimes du futur du réalisateur canadien, renforce encore davantage cette correspondance.
Un rythme en déclin
Bertrand Bonello use remarquablement bien du thème du temps, qui est central dans son film. Une séquence faisant référence à un dialogue de L’Année dernière à Marienbad d’Alain Resnais, place le récit dans un contexte de remémoration des souvenirs qui finit par se muer en une prison. Des scènes similaires se succèdent, avec les mêmes personnages, mais toujours différentes. Hantée par le pressentiment d’un désastre mystérieux, Gabrielle s’en approche progressivement, en en définissant de mieux en mieux les contours pour s’en libérer. Y arriver signifie s’adapter, mais cela ne met-il pas en jeu son intégrité, son identité même ?
La Bête met en place ce bel agencement dans une première partie où les énigmes de l’intrigue et les paradoxes temporels fusionnent harmonieusement avec la réalisation soignée de Bertrand Bonello. Toutefois, malgré l’excellente performance de George MacKay et la pertinence du sujet choisi, le film souffre d’une certaine redondance dans sa deuxième moitié, perdant en intensité. Il devient déséquilibré, tourne en rond et perd son rythme, ressemblant plus à une version brouillon en cours de montage. Les 146 minutes du film deviennent alors pesantes, gâchant une réalisation qui avait commencé en beauté.
Informations supplémentaires
Catégorie : Drame / Science-fiction
Réalisateur : Bertrand Bonello
Acteurs : Léa Seydoux, George MacKay, Guslagie Malanda, Dasha Nekrasova, Elina Löwensohn, Julia Faure
Produit en : France
Durée totale : 2h26
Disponible depuis : 7 février 2024
Type de diffusion : Ad Vitam
Résumé : Dans un avenir proche dominé par l’intelligence artificielle, les émotions humaines sont considérées comme une menace. Pour les éradiquer, Gabrielle est contrainte d’assainir son ADN en revisitant ses vies antérieures. Elle y retrouve Louis, son amour véritable. Cependant, elle est envahie par l’inquiétude, pressentant un désastre imminent.