Ce parti récent se focalise spécifiquement sur les musulmans vivant en Allemagne et rejette toute association avec la formation politique islamo-conservatrice turque. Pendant ce temps, en Turquie, le chef d’Etat accorde de plus en plus d’attention à ses ressortissants à l’étranger. Nos reporters nous partagent les perspectives de ces deux nations.
Un parti politique émanant principalement de la diaspora musulmane turque undénommé « Alliance démocratique pour la diversité et le renouveau » ou Dava, vient de voir le jour à Cologne, en Allemagne. Ce nouveau parti aura des représentants dans la liste électorale pour les élections européennes au mois de juin. Malgré les suspicions, les fondateurs de Dava ont affirmé n’avoir aucun lien avec le parti du président Recep Tayyip Erdogan, l’AKP. C’est une démarche qui mérite d’être mentionnée, car la diaspora turque et ses 3,5 millions de membres résidant en Allemagne sont de plus en plus au centre de l’attention de la Turquie.
Presqu’un million et demi de Turcs sont inscrits dans le registre électoral Allemand
Les Allemands d’origine turque ont eu du mal à s’identifier politiquement aux partis traditionnels. Bien que leurs valeurs s’alignent en général avec la pensée conservatrice, ils ne se sentent pas à l’aise au sein des rangs des démocrates chrétiens. De même, le SPD (parti social-démocrate) et les Verts, qui sont plus progressistes en matière de migration, leur paraissent trop libéraux sur les questions sociétales.
Il y a environ 1,5 million de personnes d’origine turque inscrites dans le registre des électeurs en Allemagne. Ce nombre va augmenter lorsque le nouveau code de nationalité sera mis en œuvre dès le printemps. C’est à eux que le parti Dava s’adresse en priorité.
Ce parti a été fondé par un groupe de musulmans essentiellement d’origine turque établis à Cologne. Une part d’entre eux a autrefois fait partie du SPD. Josef Neumann, membre du SPD au Parlement de Rhénanie du Nord-Westphalie, se souvient de l’un des fondateurs, Fatih Zingal, un avocat issu de Solingen. « Son histoire est fortement liée à l’ascension d’Erdogan. On peut clairement voir une certaine admiration, une certaine proximité et il est bien engagé politiquement dans cette direction », explique le parlementaire SPD.
« Une version turque du parti d’extrême droite AfD »
L’accusation d’être proches de l’AKP et du président Erdogan est fermement réfutée par les fondateurs de Dava. « Nous ne sommes pas sous l’influence du président Erdogan, nous n’obtenons aucun financement de sa part ou de l’AKP en Turquie. Certes, parmi nous, certains sympathisent avec l’AKP et Erdogan. Mais nous avons aussi des membres sans origine turque », explique Mustafa Yoldas, un des fondateurs.
Certains politiciens allemands expriment cependant leurs inquiétudes. Selon Max Lucks, le député des Verts, Dava n’est rien de plus « qu’une version turque du parti d’extrême droite AfD ». Le ministère de l’Intérieur du Brandebourg demande aux autorités compétentes « de surveiller de près les activités » de ce nouveau parti. Des débuts difficiles pour Dava, qui espère également se présenter aux élections législatives de 2025.
Les Turcs de l’étranger ont le droit de voter aux élections nationales
C’est Recep Tayyip Erdogan qui a été le premier à prendre au sérieux la diaspora turque. Pour la première fois, le terme de diaspora est utilisé dans ses discours. Il a saisi son potentiel électoral et voit en elle un moyen de défendre les intérêts de la Turquie à l’étranger.
Depuis son arrivée au pouvoir il y a 20 ans, Erdogan a continué à renforcer les liens avec les Turcs de l’étranger. Un exemple marquant est son discours devant 16 000 « citoyens » lors d’un rassemblement à l’Arena de Cologne en 2008.
« Une diaspora forte pour une Turquie forte »
A partir de 2014, Erdogan offre aux Turcs résidant à l’étranger la possibilité de voter aux élections nationales. Au référendum constitutionnel de 2017 qui a abouti à la centralisation du pouvoir entre ses mains, les Turcs d’Allemagne ont voté massivement pour son parti.
Avec la création de Dava, la Turquie espère augmenter son influence sur la politique européenne. Le projet de lois allemand permettant la double nationalité a été accueilli favorablement par les autorités turques. En effet, Erdogan encourage les Turcs européens à obtenir la nationalité du pays où ils résident dès que possible. Il n’hésite pas à déclarer que « pour une Turquie forte, il faut une diaspora forte ». Le président turc n’oublie pas non plus de souligner la contribution des Turcs à la société allemande, comme par exemple lors de la découverte du vaccin à ARN messager.