La Berlinale met en lumière un cinéma africain qui s’efforce de se faire une place malgré les défis. Près de deux décennies après l’attribution du premier Ours d’or à une œuvre africaine, il pourrait se faire que cette année, deux productions de ce continent se voient attribuer ce prix de renom.
Un encadrement afrocentré à la Berlinale
Cette année, l’Afrique est mise à l’honneur à la Berlinale. Ce célèbre festival du cinéma a en effet choisi une présidente du jury d’origine africaine : Lupita Nyong’o, actrice mexicano-kényane. Du côté des réalisateurs, le Mauritanien Abderrahmane Sissako et la cinéaste franco-sénégalaise Mati Diop, tentent de remporter l’Ours d’or. Ensemble, ils offrent une belle vitrine au cinéma du continent africain, souvent considéré comme vulnérable.
Le festival de cinéma de Berlin marque une nouvelle étape en nommant pour la première fois une figure noire à la tête de son jury venant distribuer ses plus prestigieuses récompenses. Il s’agit de Lupita Nyong’o, actrice de 40 ans primée par un Oscar pour le meilleur second rôle féminin en 2014 grâce à son interprétation dans le film 12 Years a Slave. Lors de l’ouverture du festival, elle a exprimé son souhait de voir plus de films africains.
Abderrahmane Sissako, qui participe à la compétition avec son film Black Tea, souligne la présence notable de films africains à Berlin, une situation qu’il qualifie de « magnifique ». Le réalisateur mauritanien raconte une histoire d’amour entre une jeune femme originaire de la Côte d’Ivoire et le propriétaire chinois d’une entreprise d’exportation de thé.
Les cinéastes africains doivent cependant faire face à des défis beaucoup plus grands que leurs homologues américains, européens ou asiatiques. Comme le souligne Abderrahmane Sissako, l’industrie du cinéma est quasi inexistante sur le continent africain. Par conséquent, les professionnels du cinéma sont rares.
Le problème des salles de cinéma au Bénin
De plus, le réseau de distribution du continent est défaillant. Mati Diop, qui concourt à Berlin avec son documentaire Dahomey, décrit comment la majorité des pays africains ont perdu leurs salles de cinéma, souvent remplacées par des centres commerciaux. Gildas Adannou, étudiant de l’université d’Abomey Calavi, renchérit en précisant que le Bénin n’a que trois salles de cinéma, toutes détenues par le groupe français Bolloré.
Mati Diop dénonce également l’accès restreint aux salles de cinéma, qui ne profite qu’à une élite restreinte en raison des tarifs élevés. Elle affirme également sa volonté d’élargir son public en Afrique, en diffusant son documentaire Dahomey dans les établissements d’enseignement, qui traite du retour de plusieurs statues du Bénin par la France.
La politique omniprésente dans le cinéma africain
Abderrahmane Sissako explique comment certains réalisateurs africains se tournent vers les séries télévisées, plus abordables à produire et accessibles à un plus grand nombre de personnes.
Mati Diop ajoute que les films africains sont souvent empreints de politique, cherchant à représenter les réalités sociales, économiques et politiques du continent. Elle estime qu’il est de leur devoir de rendre justice à leurs peuples, dans une démarche qui va bien au-delà des simples fictions.
Enfin, un autre trait distinctif des films africains est le mélange des langues. Ainsi, le film Dahomey de Mati Diop mêle le français et le fon, une langue largement parlée au Bénin. Elle souligne l’importance de ne pas se limiter à la « langue du colonisateur ». Dans le même esprit, Black Tea de Sissako met en scène des dialogues en mandarin, français, anglais et portugais, illustrant ainsi le mélange des cultures dans le monde actuel.
Le seul film africain ayant reçu un Ours d’or à la Berlinale est le film sud-africain Carmen de Khayelitsha de Mark Dornford-May, en langue xhosa. Il s’agit d’une adaptation de l’opéra Bizet, situé dans un township avec Pauline Malefane dans le rôle principal. C’était à la Berlinale 2005.