En perte de vitesse depuis les années 80, les studios de film situés en périphérie de Rome connaissent à présent un regain d’activité avec l’explosion des plateformes de streaming, en produisant sans interruption des films et des séries.
Un petit véhicule circule sous les parasols de pins, accompagné par le chant des oiseaux. Il navigue entre les studios de cinéma. À l’orée de la ville éternelle, Rome, Cinecittà revit. Ces studios de cinéma, qui ont connu une chute de popularité depuis les années 1980, renaissent actuellement grâce à une multiplication de productions cinématographiques et télévisuelles.
Nichée dans ses 40 hectares, la Cinecittà abrite à présent une vingtaine de studios, dont une réplique d’une cité antique réalisée autrefois pour la série Rome. Pensivement, Simona Balducci, en charge des décors et des mises en scène chez Cinecittà, est installée dans son bureau devant un gigantesque dessin destiné à une future production cinématographique. « C’est l’aménagement intérieur d’un navire à vapeur », révèle-t-elle.
Dans la liste des superproductions de 2023, la série du réalisateur Roland Emmerich concernant les gladiateurs avec Anthony Hopkins en tête d’affiche, symbolise le rythme effréné de travail qui a repris. « Ils ont filmé pendant pratiquement dix mois » et le metteur en scène « travaille à une vitesse fulgurante », se rappelle Simona Balducci. « On avait à peine terminé et livré un décor que déjà un autre était commandé pour le lendemain. »
Un niveau d’exploitation des studios frôlant les 80%
Des acteurs de renom comme Anthony Hopkins, Angelina Jolie ou encore Adam Driver reviennent à Cinecittà, soit devant les caméras ou bien derrière. La période de crise sanitaire du Covid, qui a été un temps de profonde introspection pour le monde du cinéma, a constitué un tournant crucial. « Après la pandémie, lors de la reprise des tournages, les sociétés de production ont réalisé qu’il était plus profitable de filmer en un unique lieu », précise la responsable des décors et des mises en scène. « Ils ont réapprécié les bénéfices des studios de cinéma. »
En 2023, Cinecittà a connu une hausse de ses profits à deux chiffres et le taux d’utilisation de ses studios atteint près de 80%. « Cinecittà renaît actuellement parce que notre pays propose une fiscalité avantageuse », explique l’administrateur général du lieu, Nicola Maccanico.
« Nous avons un système de crédit d’impôt qui nous donne un avantage compétitif sur les principaux marchés européens et internationaux et surtout, le secteur audiovisuel connaît une croissance remarquable. »
Nicola Maccanico, administrateur généralà 42mag.fr
Nicola Maccanico évoque l’émergence des plateformes qui ont un besoin constant de nouveaux contenus. La Cinecittà a également conclu un accord avec la société de média Freemantle pour l’utilisation de six plateaux. Elle a également obtenu des subventions européennes pour ériger cinq nouveaux studios et moderniser quatre existants.
Une fusion d’artisanat et de technologies de pointe
Finie l’image démodée de Cinecittà, la preuve en est notre Teatro 18, dernière innovation pour les prises de vue en réalité virtuelle. Ce qui fascine les équipes de production, c’est l’amalgame unique de technologie de pointe et d’artisanat traditionnel. Les équipes exploitent, par exemple, une machine à commande numérique pour découper le polystyrène. » Si l’on doit construire des corniches en hauteur et qui ne seront pas palpées, le polystyrène est l’idéal. Ensuite, c’est le travail du peintre de donner une apparence de bois ou de marbre au matériau, c’est moins coûteux », explique Paolo Perugini, superviseur de la menuiserie des studios. Il attribue aux artisans de Cinecittà le savoir-faire unique de « faire passer pour réel, ce qui est faux. »
Sa proximité avec la capitale romaine, Cinecittà tient également son attrait des personnes exceptionnelles comme Paolo Perugini, aux compétences d’artisan très recherchées. Paolo Perugini y travaille depuis plus de trois décennies. « Depuis 1992, je ne compte plus le nombre de films auxquels j’ai collaboré. » En fait, « je suis en contact direct avec les plus grands architectes et décorateurs de spectacle », déclare l’expert. « Il existe peu d’individus qui maîtrisent mon métier. » La transmission de ces connaissances artisanales soulève des préoccupations majeures. Il est ardu de recruter de jeunes artisans. Suite au rachat du site par l’État en 2017, les conditions de recrutement sont plus rigoureuses et le recrutement familial n’est plus admis.
« Cinecittà, c’est notre identité »
Le film Finalmente l’alba (L’aube enfin en français), sort en salle en Italie le mercredi 14 février. Principalement tourné dans les studios romains, ce film rend hommage à leur histoire. Le réalisateur Saverio Costanzo, un pur Romain, affirme que, « Cinecittà, c’est notre identité. » Il choisit de tourner ici, pour des raisons artistiques : « Rome bénéficie d’un ensoleillement particulier et à Cinecittà, il se reflète de manière unique. »
Pour Saverio Costanzo, le réalisateur, « les figurants jouent un rôle crucial. » « Lorsque je dis « Cinecittà c’est notre identité », je veux dire que c’est grâce à nos visages, nos corps que le cinéma italien a été façonné et la combinaison de tous ces éléments donne l’image d’une mosaïque représentative d’un pays », précise Saverio Costanzo. « Finalmente l’alba » a été l’un des quatre films italiens tournés à Cinecittà et en compétition lors de la dernière Mostra de Venise.