Annuellement, on estime à environ 27 millions le nombre de consultations médicales qui ne sont pas respectées. Pour réduire ce nombre, Gabriel Attal a déclaré, le mardi 30 janvier, l’introduction d’une amende punitive.
« Ne pas se présenter à un rendez-vous sans en avertir a un coût« , c’est le message martelé par Gabriel Attal le mardi 30 janvier lors de son discours de politique générale. L’objectif est de mettre l’accent sur la responsabilité des patients qui manquent à leurs rendez-vous médicaux, en leur faisant payer la consultation via une « taxe lapin ».
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Agathe Scemama, membre du syndicat MG France, approuve cette décision. Elle remarque que de un à trois clients ne se présentent pas chaque semaine à leur rendez-vous. « C’est de la mal-politesse, exprime-t-elle. En général, ce sont les nouveaux patients qui ne se présentent pas, ne préviennent pas et ne rappellent jamais. C’est de la consommation. »
Des heures de consultation tout simplement gaspillées chaque semaine
Agathe n’est pas la seule à faire face à ce problème. Selon les statistiques de l’Académie de médecine et de l’ordre des médecins, entre 6 et 10 % des assurés ne respectent pas leur rendez-vous médical, ce qui correspond à environ 27 millions de consultations manquées chaque année. Cela signifie une perte de deux heures de consultation par semaine pour les professionnels de la santé, indépendamment de leur spécialité.
Alors comment décourager les patients d’annuler leur rendez-vous à la dernière minute ? Agathe Scemama se demande : « Qui va signaler ces rendez-vous non honorés ? Est-ce le rôle du médecin ? » À son avis, le souci majeur reste que ces rendez-vous annulés de dernière minute pourraient bénéficier à quelqu’un qui en a réellement besoin.
Sur ce point, Agathe Scemama mentionne que : « Je n’aime pas le terme manque à gagner, mais il pourrait symboliquement y avoir une perte financière »
En dépit de l’absence de détails sur la manière dont le Premier ministre compte faire payer ces « poseurs de lapin », les interrogations financières sont nombreuses parmi les médecins. Soline Guillaumin, porte-parole du collectif Médecins pour demain, se demande : « Le médecin aura-t-il la possibilité de déduire ce rendez-vous non honoré au cours d’une consultation ultérieure ? La Sécurité sociale va-t-elle rémunérer le médecin ? Va-t-elle garder cette taxe ? À qui va-t-elle bénéficier et comment sera-t-elle gérée ? »
« Les grandes oreilles du lapin servent à masquer le vide derrière tous ces discours »
D’un autre côté, pour le syndicat MG France, ce dispositif, connu aussi sous le nom de « taxe lapin », est totalement marginal, selon Jean-Christophe Nogrette, médecin généraliste et secrétaire général adjoint de l’organisation. « Nous avons récemment mené une enquête chez les médecins généralistes à MG France, explique-t-il. Nous estimons le nombre de lapins à environ deux et demi par médecins généralistes par semaine. Si nous étendons cela à l’ensemble des médecins généralistes français, cela représente environ 6 millions de rendez-vous par an, tandis que nous assurons 250 millions d’interventions.« .
Afin de répondre efficacement à ce problème, Jean-Christophe Nogrette pense que : « Le véritable souci n’est pas que les patients, la population française, ont besoin de 250 millions d’interventions, c’est qu’ils ont besoin de 300 millions d’interventions et qu’il en manque 50 millions parce qu’il nous manque des médecins généralistes. Donc, pour Jean-Christophe Nogrette, « il est absurde de se concentrer sur les lapins et sur la sanction des patients qui ne respectent pas leurs rendez-vous quand le véritable problème est l’accès aux soins et la difficulté de trouver un médecin généraliste à proximité pour un suivi à long terme. »
L’intégration de cette « taxe lapin » a déjà été envisagée par le Sénat lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale en 2024. Ils proposent de permettre à la Sécurité sociale de prélever une somme fixe sur le compte bancaire du patient ou de déduire cette somme des prestations futures du patient, afin de reverser une partie de cette taxe au professionnel concerné. On ne sait pas encore quel sera le montant de cette éventuelle somme forfaitaire, mais il pourrait être déterminé par décret. Les professionnels de la santé attendent donc des éclaircissements sur cette question, mais estiment que ce sujet n’est pas prioritaire. Ils auraient aimé que des annonces soient faites sur une meilleure reconnaissance de certains actes ou sur des simplifications administratives.